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Authorship, remerciements, reconnaissance, inspiration : ça change quoi ?

J’ai une petite histoire à vous raconter. Une petite histoire avec une moralité et un rebondissement.

Tout a commencé avec ce tweet de Jean-No :

qui renvoie à cette page-ci :

Capture d’écran 2013-05-02 à 01.44.24

Comme j’aime bien comprendre (je sais…), j’ai demandé à en savoir plus :

1 Capture d’écran

et vu les réponses obtenues, je me suis dit que j’avais envie d’aller plus loin, de voir et donc de montrer ce dont on parlait :

2 Capture d’écran

et là, ça a commencé à se gâter. Enfin, se gâter de mon point de vue, tandis que le schmilblick avançait, lui. J’ai pas trouvé ça très sympa : pas eu de réponse à mon idée de simulation (je maintiens, ça peut forcément se coder. Après, c’est peut-être pas le plus malin à faire dans cette situation), et pas entendue du tout (j’aime pas ça) :

3 Capture d’écran

Du coup j’ai commencé à bouder… mais personne n’a rien vu :

4 Capture d’écran5 Capture d’écran

et donc j’ai quitté la discussion.

Pendant ce temps,

Jean-No a fait ce qu’il a dit qu’il ferait, et a annoncé le résultat ici :

Qui renvoyait vers :

Capture d’écran 2013-05-02 à 02.03.50

Et là, j’ai vu, qu’évidemment, il ne me citait pas (pourquoi me citerait-il ?).

Cette fois-ci, j’ai râlé, à ma manière (1) :

article et correction

Ce qui bien entendu n’a servi à rien. Rien ne sert de réclamer d’être reconnu quand tu n’as fait que poser une bonne question, et que tu as lancé l’idée qu’on pouvait visualiser un résultat au lieu d’en parler.

Moralité,

quand tu as une idée : tu la réalises tout seul.

Et

tu ne proposes pas de collaboration à quelqu’un qui n’a pas besoin de toi (ou qui n’a besoin que de ton idée).

Et, par ailleurs,

tu ne réclames jamais que les gens pressés t’apprennent des trucs : ils n’ont pas le temps ;

et, par ailleurs,

tu ne réclames pas la reconnaissance : tu ne récolteras que l’affiche (2)

Mais…

Car il y a un mais…

On peut voir les choses autrement. Ça dépend un peu de ce qui compte.

On peut se dire que c’est très malin et très pratique, quand on a trop d’idées et pas la capacité de toutes les réaliser, que de réussir à convaincre des gens de les réaliser à sa place. Que ce qui compte, c’est pas de publier soi-même, ou d’avoir son nom en signature, ni même d’être reconnu comme source d’inspiration ou de questionnements originaux. Que ce qui compte, c’est que l’idée soit réalisée, devienne réalité et soit publiée, accessible à tous. Et de ce point de vue là, c’est un succès total.

Et puis chacun se fera son idée, finalement. Comme Stéphane Pouyllau, là :

dont justement on ne sait connait pas la part d’ironie et la part de sérieux 😉

Notes

(1) c’est très rare mais ça m’arrive de râler 😉 #privatejoke
(2) je vous laisse apprécier mon délicieux jeu de mot (qui n’en est pas un, mais comment on appelle ça ?)

Des prénoms à la mode en Turquie ?

Par Elifsu Sabuncu et Baptiste Coulmont (billet publié en même temps sur les deux blogs)

L’INSEE turc Turkish Statistical Institute met à disposition deux fichiers donnant le rang des 100 premiers prénoms, depuis 19501.

La belle longévité de certains prénoms, la mort d’autres

Certains prénoms connaissent une belle longévité : Zeynep, prénom féminin, est dans le «top 10» de 1950 à 2010 ; Mehmet, prénom masculin, est presque constamment le prénom le plus donné. On le voit assez facilement dans le graphique suivant, qui donne le rang de quatre prénoms masculins et quatre prénoms féminins depuis 1950 en Turquie.

Mais cette image de grande stabilité est trompeuse. On voit déjà que Elif, prénom féminin, connaît un succès grandissant, et que Hasan, prénom classique, a tendance être de moins en moins donné (relativement aux autres).

Et l’on pourrait tout aussi bien, comme nous le faisons dans le graphique suivant, insister sur les abandons. Certains prénoms, très populaires dans les années 1950, quittent le palmarès, abandonnés par les parents, qui ne nomment plus leur fille, ni leur garçon, ainsi.

Ainsi Serife disparaît du «top 100» avant 2000, et Bayram, prénom masculin, un peu après 2000. Visiblement, tous les grands-pères et toutes les grands-mères n’arrivent pas à transmettre leurs prénoms. En Turquie comme en France, les prénoms des vieux ne sont plus toujours les prénoms des plus jeunes.

Sous la stabilité, de nombreux mouvements

Les abandons (c’est à dire des prénoms qui passent sous la barre du 100e rang) sont très fréquents. Pour les filles : seuls 12 prénoms dans le «top 100» de 1950 sont encore présents dans le «top 100» en 2010 : Zeynep, Elif, Zehra, Fatma, Meryem, Ayşe, Medine, Hatice, Rabia, Emine, Melek, Esma. Les 88 autres prénoms de 2010 sont des prénoms « neufs » (ou peut-être, comme en France, d’anciens prénoms revenus au goût du jour2). Il en va de même pour les garçons, même si les changements sont un peu moins rapides (En 2010, il reste encore 29 prénoms présents en 1950, Yusuf, Mustafa, Mehmet, Ahmet, Ömer, Ali, Ibrahim, Hüseyin, Hasan, Ismail, Hamza, Abdullah, Ramazan, Murat, Mehmet-Ali, Salih, Yakup, Osman, Kadir, Bilal, Halil, Mehmet-Emin, Abdülkadir, Halil-Ibrahim, Süleyman, Musa, Adem, Mahmut et Isa).

Cette première différence entre garçons et filles est importante : en Turquie, tout comme dans les autres pays européens pour lesquels l’on dispose de données, les prénoms des filles se renouvellent plus vite que les prénoms des garçons. Les parents turcs en Turquie, aussi bien que ceux nés en Turquie mais immigrés en Allemagne ou en France, se permettent de donner aux filles des prénoms ayant une « carrière culturelle » plus courte que celle des prénoms masculins. Il y a plus d’inertie associée aux prénoms donnés aux garçons.

Si des prénoms disparaissent, il faut bien que d’autres les remplacent. Et ils ne sont pas remplacés par des prénoms aussi « classiques ». Les Turcs ont bien l’équivalent de nos « Martine » (1950-1960), « Aurélie » (1980-1990) ou « Manon » (1990-2000), prénoms générationnels qui connaissent un engouement très rapidement suivi par un désintérêt.

Le graphique montre bien le succès éphémère de quelques prénoms : Tuǧba pour les filles, ou Emrah pour les garçons ne restent pas longtemps au sommet du classement. Un prénom comme Sıla semble arriver de nulle part et disparaître aussi vite : il semble lié à la diffusion d’une série de télévision du même titre, dans lequelle une pauvre fille est recueillie par une famille riche d’Istanbul (vidéo ici)

Certains prénoms, qui se trouvent dans le «top 10» en 2009, n’ont que quelques années de popularité réelle : Ecrin (qui viendrait de l’arabe, et qui se prononce «edjrine»), Irem, Merve, Yaǧmur, Eylül et Nisanur pour les filles, Yiǧit ou Arda pour les garçons.

De la mode, donc !

Le cas turc est intéressant. L’étude des variations temporelles de la popularité des prénoms s’est appuyée sur les exemples de pays comme les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas… pour lesquels un état civil ancien permettait de repérer des phénomènes de mode. Rares sont les travaux à avoir essayé d’observer les mêmes phénomènes dans des pays, disons «extérieurs au G7». Dans les études portant sur les conséquences de la migration sur le choix des prénoms, il est parfois écrit que les prénoms des immigrés et de leurs enfants sont « traditionnels », comme si, dans « leurs pays », il n’y avait que « tradition ».

This corresponds to the results of Lieberson (2000), and Sue and Telles (2007), who have reported a higher use of more traditional (ethnic) first names for boys than for girls in Mexican-American families. This gender difference in naming is not easy to interpret. One possibility is that parents want traditions to be continued primarily by their male offspring.

Becker, B. [2009], Immigrants’ emotional identification with the host society. Ethnicities, 9[2],  p.200-225.

Oftentimes, ethnic groups voluntarily give up their traditional first names and adopt names of the dominant ethnic group without state intervention.

Gerhards, J. & Hans, S. [2009], From Hasan to Herbert: Name-Giving Patterns of Immigrant Parents between acculturation and Ethnic Maintenance. American Journal of Sociology, 114[4], p.1102-1128.

De ce fait, il est implicitement sous-entendu que les pays à majorité musulmane (ou, plus largement, les pays d’émigration) auraient des « prénoms traditionnels » (Ali, Mohamed, Fatima…), qui, en plus, seraient hérités de (grand-)père à (petit-)fils. Ces pays ne connaîtraient pas la mode… et le fait de porter des prénoms ressemblant à des prénoms « musulmans » serait une preuve d’attachement à des « traditions ».

De rares travaux ont montré que ce n’était pas le cas, la mode n’est pas une spécificité occidentale. Et l’on peut, en cherchant bien, disposer maintenant de données statistiques au niveau national, qui le prouvent.

Peut-on repérer autre chose ?

Accessoirement, les données turques permettent d’autres interprétations. Par exemple, le succès récent de Muhammed (que l’on voit dans le graphique précédent), semble remplacer Mehmet. Si l’on fait l’hypothèse que Mehmet, forme turquisée de “Mohamed », pouvait être lié au nationalisme des parents (préférant des prénoms “turcs » pour leurs enfants), alors on peut supposer que Muhammed est donné par des parents plus islamistes que nationalistes (ou trouvant désuet le recours à une forme éloignée de l’arabe).

Un premier classement des prénoms origine etymologique (« arabe », « turc », « persan »…) donne des résultats incertains (ci-dessous, pour les prénoms des filles). Les prénoms « turcs » (en bleu) ont tendance à être de moins en moins nombreux dans le « top 100 », alors que les prénoms « arabes » se maintiennent. Apparaît très visible, en revanche, l’augmentation du nombre de prénoms « difficiles à classer », prénoms neufs ou sans ancrage.

Sources et bibliographie
Données turques :
https://tuik.gov.tr/PreIstatistikTablo.do?istab_id=1331
#filles
et
https://tuik.gov.tr/PreIstatistikTablo.do?istab_id=1332
#garçons

Aslan, S. [2009], Incoherent State: The Controversy over Kurdish
Naming. European Journal of Turkish Studies, [10]. Available at: https://ejts.revues.org/index4142.html
[Consulté août 16, 2011].

Bulliet, R.W. [1978], First Names and Political Change in Modern
Turkey. International Journal of Middle East Studies, 9[4], p.489-495.

Borrmans, M. [1968], Prénoms arabes et changement social en Tunisie.
IBLA, revue de l’Institut des Belles Lettres Arabes, 121, p.97-112.

Notes
1 Ces données ne représentent pas directement les naissances, mais les personnes nées une année donnée, et encore vivantes vers 2009. Nous allons faire ici comme si ces données étaient assez fidèles aux naissances.
2 Mais pour le savoir, il faudrait disposer de données remontant aux siècles précédents. Les spécialistes d’histoire turque nous renseigneront en commentaire.