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Pourquoi les femmes sont-elles plus petites que les hommes ? #lefilm

J’ai eu la chance d’assister à la projection sur grand écran de Pourquoi les femmes sont elles plus petites que les hommes ?, un documentaire qui raconte une recherche passionnante tant pour sa démarche que son résultat. Le sujet n’est pas facile, les données viennent de disciplines nombreuses et éloignées, et le film arrive à merveille à faire comprendre les différents raisonnements sur lesquels Priscille Touraille s’est basée dans sa thèse. Le suspense fonctionne jusqu’au bout (alors que je connaissais ‘la réponse’), et en plus on s’amuse bien ! Donc vous devez voir ce film. Ça passe sur Arte vendredi 24 janvier à 22h10. Mon article ci-dessous reprend assez linéairement le déroulement de l’argumentation du film, donc il est assez spoiler, attention.

projection film femmes petites

Le film démarre sur une image de la sonde spatiale Voyager ((Ou Pioneer ?))  qui a emporté dans l’espace des représentations d’un homme et d’une femme : on voit que la femme est plus petite.

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Extrait de la Plaque de Pioneer embarquée à bord des deux sondes spatiales Pioneer où l’on voit une représentation d’un homme et d’une femme (source https://en.wikipedia.org/wiki/)

« Comme si ça allait de soi », nous dit le commentaire. On peut dire que ça représente bien la réalité, en tout cas, aussi construite et non naturelle soit-elle. Pas besoin que « ça aille de soi » pour que ça ait une vraie réalité, après tout. Car voilà un fait indéniable, « Les hommes sont en général plus grands ». Ça s’appelle le dimorphisme sexuel de taille. C’est une évidence que nous connaissons tous. Et que le film va interroger, en circulant parmi des chercheurs d’une discipline à l’autre. La différence moyenne dépend du lieu et du temps, mais s’il faut retenir un ordre de grandeur, il s’agit de 10 à 15 cm d’écart en moyenne.

Mécanismes moléculaire et génétique de la régulation de la taille

Le film nous emmène d’abord sur les mécanismes de la croissance, la physiologie, l’hormone de croissance. On voit un médecin suivre la croissance d’une ado. Avec ces approches, on ne peut que décrire ce qu’il se passe, pas expliquer.

On « monte » ensuite d’un niveau : y a-t-il un gène qui dit que les hommes devraient être grands, et les femmes petites ? Parce qu’on a remarqué qu’il y a des familles de petits et des familles de grands, donc on est sûr qu’il y a une part de déterminisme génétique, mais la question qui fâche, c’est : quelle part ? Les gènes identifiés jusqu’à maintenant comme étant impliqués dans ce caractère n’expliquent que 5% de la variabilité observée ((Ref needed)). Si les recherches se poursuivent dans le domaine, ce chiffre pourra changer et se préciser.

Est-ce que ça a toujours été le cas ?

On passe ensuite à l’anthropométrie et à l’approche historique. Pour connaître l’évolution de la taille des hommes, on peut regarder les archives d’enrôlement des armées. C’est hyper pratique dans les pays et les époques où le service militaire est/a été obligatoire, mais ne donne aucune information sur la taille des femmes. On apprend que non, « Les humains ne font que grandir », c’est pas vrai, et je trouve personnellement ((1m58)) que c’est une très bonne nouvelle : il y a eu des périodes où la taille moyenne (des hommes) augmentait, des périodes où la taille moyenne (des hommes) baissait. On parle de plus ou moins 10 cm, donc la fluctuation se fait sur 20 cm, pas plus. Il faut retenir en gros depuis 1945, dans les pays développés, ça augmente ; mais ça stagne (voire rapetisse ?) depuis les années 70 sauf en Europe ((Ref needed)). Et on pense que les pays où les tailles moyennes sont les plus grandes, on a atteint une sorte de maximum, un peu comme l’espérance de vie, faudra voir, le temps nous le dira 🙂

Alors pour les pays et les époques où les femmes ne vont pas massivement à l’armée (qu’il y ait quelques femmes dans les armées ne donnera aucune info populationnelle/sur une cohorte d’âge), donc en gros dans la très très très grande majorité de moments/lieux, on fait comment pour connaître l’évolution de la taille des femmes ? Où est-ce qu’elles se retrouvent en grande nombre et sous surveillance ? Surveiller et punir. Eh bien : les prisons ! Et les passeports ((Mais la taille est purement déclarative, sur les passeports en France, non ? Faudrait voir depuis quand…)). Eh bien ça ne pèse pas lourd, ça ne remonte pas très loin (« Rien avant le 19ème siècle ») et donc ça ne donne pas d’infos vraiment comparables. Personnellement, j’aurais pensé à l’école, au moment des visites médicales, avec vaccination et tout (on ne nous mesurait pas ? On devrait !), et j’ai oublié de demander à l’historien qui était dans la salle pourquoi c’était pas au moins aussi bien, voire mieux que les registres de prison et les passeports.

Avec ce peu d’information comparative hommes/femmes, on peut quand même dire que quand il y a une évolution des tailles moyennes, la stature des femmes commence à baisser avant celle des hommes, et ne ré-augmente qu’après celle des hommes. Donc ça creuse la différence des moyennes.

Si c’est pas les gènes, alors c’est l’environnement

Alors si c’est pas les gènes, c’est l’environnement. C’est en effet un raisonnement classique quand on cherche à expliquer un déterminisme. Je vous la fais en accéléré. Le bon vieux débat inné/acquis. L’historien nous dit qu’on avait déjà remarqué (en Grande-Bretagne ((Les données viennent de GB parce qu’ils ont une « tradition populationnelle », ce qui fait qu’ils sont aussi forts en épidémiologie, par exemple ? #HypothèsePersonnelle)) ?) que « les cols blancs étaient plus grands que les cols bleus », que les ouvriers et les agriculteurs (sous entendus : les moins riches) étaient plus petits (que la population globale ?), que les aristocrates anglais étaient en moyenne plus grands de 15 cm que les autres.

On nous dit ensuite que dans les périodes de malnutrition prolongées, des gènes régulent la croissance pour protéger les fonctions vitales (le cerveau, par exemple) aux dépens du reste. Un peu comme quand il fait froid et qu’on a d’abord froid aux extrémités : c’est moins grave que le cœur ou le cerveau.

De plus, la croissance des filles et des garçons n’est pas tout à fait synchrone, et vous avez dû le remarquer sur vous et vos enfants : les filles démarrent et s’arrêtent plus tôt (avec la puberté), les garçons commencent plus tard, mais continuent plus longtemps. Tout ça nous fait dire que la croissance est un phénomène régulé ((Je ne sais pas si ce genre de phrases parle aux non-biologistes ?)).

Un biologiste de l’évolution interrogé dans le film nous dit que la différence de taille observée entre les hommes et les femmes est directement en relation avec la différence de croissance (puisque la taille atteinte est le résultat de la croissance)…mais cela ne fait que remonter d’un niveau la question initiale concernant la différence de taille : alors pourquoi les hommes et les femmes n’ont-ils pas la même croissance ?

Donc si on veut expliquer (et sortir des simples descriptions), il va falloir changer d’échelle, prendre en compte le temps long, bref, passer par Darwin et l’ évolution. Et c’est là que ça devient intéressant.

L’apport de l’évolution

Première question : « depuis quand » les femmes sont-elles plus petites ? Ou plutôt, à quel moment dans la lignée arrivant aux humains, commence-t-on à observer des femelles plus petites que les mâles ((On dit femme et homme chez les humains, et femelle et mâle chez toutes les autres espèces vivantes sexuées. En anglais male et female s’utilisent aussi bien chez les humains que les autres espèces vivantes.)) ?

Un paléoanthropologue nous explique par exemple qu’il a été décidé que le fossile « Lucy» d’Australopitecus afarensis était de sexe féminin, uniquement parce que l’individu était tout petit (entre 1m10 et 1m20) ! Si le fossile Lucy était plus grand, on aurait donc pu l’appeler Arnold ((En hommage à Arnold Layne des Pink Floyd)) ! D’autre part, on n’a pas moyen de savoir si chez cette espèce, les mâles ne sont pas plus petits que les femelles. On voit que des préjugés bien ancrés, même dans des têtes de chercheurs (« Un si petit individu c’est forcément une femme ») peuvent parfois brouiller les hypothèses scientifiques. Donc on tourne en rond, et la question reste ouverte.

Illustration crowdsourcée. « @gibus : La photo montre bien que plus on est grand plus on doit se tordre pour avoir sa photo sur la pochette #shortpride »

Le raisonnement évolutionniste nous dit que si un jour une mutation qui augmente la taille est apparue chez un individu de sexe masculin, que cette mutation est transmise à ces fils, et que porter ce gène (et le caractère associé) confère un avantage évolutif, alors ce gène sera peu à peu sélectionné. Il y aura interaction de la sélection naturelle (sélection des meilleurs survivants) et de la sélection sexuelle (sélection des meilleurs reproducteurs).

La sélection sexuelle

La compétition (avec des bagarres violentes) entre les cerfs mâles a par exemple pu sélectionner les gènes produisant des animaux plus gros/lourds/grands, aboutissant à des mâles plus grands que chez les femelles chez qui il n’y a pas cette compétition. Mais cela (avoir un gros corps) a aussi un « coût » : en cas de pénurie, les gros/grands/gros ayant plus de besoins, ils vont souffrir/mourir davantage. Donc on peut dire que ce caractère profite à l’espèce mais pèse sur les individus qui en sont porteurs. C’est souvent comme ça que ça se passe.

Dans les espèces polygynes, où les mâles s’accouplent avec plus d’une femelle durant leur vie, donc rivalisent entre eux pour avoir un max de femelles, on peut facilement comprendre pourquoi les mâles sont plus grands que les femelles ; d’ailleurs chez des espèces strictement monogames comme les gibbons ((Le film ne précise pas lesquels, et je ne fais pas la recherche pour le préciser 🙂 #TeamParesse )), il n’y a pas de différence significative entre la taille des mâles et des femelles. Alors la réponse de notre question pourrait être la suivante : les hommes sont plus grands que les femmes, parce qu’à une certaine période de son évolution, l’homme était largement polygame. Mais, car il y a un mais, cette hypothèse qui paraît séduisante et simple, soulève d’autres questions. Si les cerfs se battent avec leurs bois, avec quelles armes se battaient les hommes ? Trouve-t-on des traces de telles armes chez les hommes  ? Regardons par exemple les canines. On voit qu’elles sont très imposantes chez les mandrilles et les gorilles qui se bagarrent beaucoup, mais petites chez les bonobos qui sont plutôt pacifistes. Eh bien, chez les humains, pas de différence significative entre les hommes et les femmes. On pourrait dire que les hommes ont perdu leurs longues et fortes canines en l’absence de pression de sélection.

Alors quelle force maintient encore aujourd’hui la différence de taille entre les hommes et les femmes ? Est-ce que les femmes choisissaient les hommes grands pour se reproduire ? Alors les gènes qui font des hommes grands seraient plus (mieux) transmis à la descendance, et donc leur fréquence élevée serait maintenue. D’après des études ((Ref needed)), la « taille idéale » ((Whatever it means)) d’un homme est de 1m83, les fameux 6 feet tall ((D’après Urban Dictionnary, « 6 feet tall » est aussi utilisé pour dire de quelqu’un qu’il est adulte. Voir aussi toutes les occurrences de « perfect » avec « 6 feet », comme dans le ndd de ce site, et les discussions sur si untel est plus grand ou plus petit que 6 feet)), ce qui fait plutôt grand. Une étude faite sur une cohorte d’officiers de l’académie américaine de West Point ((Evidence of unconstrained directional selection for male tallness)),  donc une population plutôt homogène sur le mode de vie, la forme physique, etc. montre que les grands ont fait en moyenne plus de mariages que les petits. On peut en effet imaginer plein de bonnes raisons de préférer un homme grand (bien pratique dans les concerts de rock s’il me porte sur ses épaules, ce qui en fait n’est jamais arrivé), et des études montrent qu’ils gagnent plus d’argent, aussi. Mais à l’échelle de l’évolution, un grand, c’est plus vulnérable en cas de limitation des ressources, et on sait que l’histoire de l’humanité est pleine de tels moments, alors est-ce vraiment une affaire d’investir sur un homme grand ?

Si ce n’est pas la sélection sexuelle, alors c’est la sélection naturelle

Alors si ce n’est pas la sélection sexuelle, il reste la sélection naturelle. Les grands seraient-ils meilleurs à la chasse, ont-ils rapporté les meilleurs mammouths à la grotte, les plus gros poissons et les meilleurs fruits des arbres ? Et comme les femmes se penchaient pour cueillir les fruits, elles auraient eu plus intérêt à être petites ? Sauf qu’on sait (grâce à l’anthropologie) que la galanterie est un gadget assez récent et peu généralisable, les femmes ne sont pas cantonnées aux tâches légères/simples, qu’elles sont chargées de tâches très difficiles et demandant de la force physique, dans plein de cultures et régions du monde, et que cela en a probablement toujours été ainsi. Le film montre plein de femmes qui portent des charges hallucinantes et font des boulots durs.

Il y a de bonnes raisons de penser qu’« il vaut mieux » être grande, pour une femme, si on veut avoir des enfants. Le coût de la maternité est énorme pour le corps, que ce soit pour porter le bébé pendant 9 mois, le nourrir pendant son développement embryonnaire, l’allaiter, et continuer à le porter. Donc d’un point de vue de l’espèce, les femmes grandes auraient dû être favorisées (sélectionnées). D’un point de vue de la croissance du cerveau, c’est pareil. Les femmes ont « tout intérêt » à être grandes pour garder le bébé le plus longtemps possible in utero car c’est le meilleur endroit pour se développer. Et c’est encore plus le cas chez les humains que chez les autres primates, du fait de nos cerveaux proportionnellement plus grands, ce qui représente un avantage certain.

Donc d’un côté, la bipédie s’accompagne d’un bassin plus petit (relativement aux autres primates), autrement dit la petitesse du bassin est ici un avantage pour marcher ; et d’un autre côté, les humains ont un cerveau (relativement) plus grand, qui aurait besoin d’un bassin plus grand pour passer lors de l’accouchement, donc ces 2 éléments sont difficiles à concilier, et expliquent que les accouchements humains sont particulièrement difficiles. Et là, une super animation vous montre toutes les rotations complexes que doit effectuer le fœtus pour passer, ça paraît pas gagné du tout quand on regarde bien. D’ailleurs le film nous rappelle que les accouchements restent la 1ère cause mondiale de mortalité des femmes ((Ref needed)).

Et les gender studies dans tout ça ?

Les gender studies, nous explique Priscille Touraille qu’on s’impatientait de ne pas voir à l’écran depuis le début du documentaire, c’est interroger ce qui paraît évident dans les différences hommes/femmes. Évidemment je ne l’écris pas ici pas aussi bien qu’elle le dit dans le film, mais vous comprenez l’idée, et pourquoi son travail me passionne tant. Parce que je ne m’étais jamais posée la question de la différence de taille entre les garçons et les filles, et que je trouve le cheminement intellectuel passionnant !

Les pressions de sélection obstétriques (et Dieu sait si elles sont importantes pour la perpétuation de l’espèce) auraient donc du aboutir à des femmes plus grandes. Enfin, si la sélection naturelle avait pu jouer de façon optimal. Alors qu’a-t-il bien pu se passer pour que la taille des femmes soient limitée, au risque de les voir mourir en couche ? C’est pas bon pour la perpétuation d’une espèce, ça, de perdre les mères à l’accouchement, parce que ça limite vite le nombre de bébés.

On sait par ailleurs que chez toutes les espèces animales étudiées, les individus de petite taille sont favorisés en cas de famine. Quand tu as moins besoin de manger, quand tu te contentes de peu, tu supportes mieux qu’il y ait moins à manger ((Je devrais y penser plus souvent et limiter un peu mes rations, d’ailleurs, on ne sait pas ce que l’avenir me réserve)). Il existe chez les primates une lutte pour l’accès à la nourriture, et ce même en dehors de toute disette. Chez les chimpanzés, c’est pour la viande. Les mâles chassent. Même si dans certains cas, les femelles chassent aussi, les mâles contrôlent complètement l’accès aux ressources. Alors que les femmes ont plus besoin de viande (pour les protéines et le fer) que les hommes.

Le film nous montre qu’au Maroc, en Ouganda, en Inde, les femmes mangent traditionnellement après les hommes et se contentent des morceaux les moins riches. On se demande presque pourquoi il y a besoin de citer ces cas précis, et d’aller les chercher si loin, on est sûr que la liste ne s’arrête pas. Du coup on est content que le dernier exemple nous vienne d’Auvergne.

Autre exemple, de mon cru. Le Kuru, maladie à prions, donc proche de mon sujet de thèse, touchait les femmes et les enfants parce que ceux-ci n’avaient le droit qu’aux morceaux considérés moins nobles chez les Fore, c’est-à-dire les abats et notamment la cervelle, tandis que les hommes mangeaient les morceaux nobles, c’est-à-dire les muscles, lors de rites anthropophages (cannibales) ((À ce sujet, je vous conseille de lire sur la maladie aussi bien que sur son principal investigateur, le pédiatre puis chercheur américain Gajdusek, premier Prix Nobel à côté duquel j’ai déjeuné (lors d’un colloque à Pasteur, quand j’étais en thèse sur le sujet)…condamné par ailleurs pour abus sexuel sur mineur. Très impressionnant, croyez-moi)).

Le film nous dit que la FAO dit aussi qu’au niveau mondial, les femmes souffrent davantage que les hommes de la malnutrition, ont plus de carences, et meurent plus ((Ref needed)).

Bon alors c’est quoi la réponse ?

On arrive donc à la dernière hypothèse que le travail de recherche de Priscille Touraille n’arrive pas à écarter : les femmes ont nécessairement été victimes d’une « organisation sociale de la pénurie », de façon prolongée, et de façon suffisamment forte de manière à contrecarrer la force de sélection inverse tendant à faire grandir les femmes (pour l’accouchement et le soin aux bébés). Avoir, de façon prolongée, sur de nombreuses générations, été privé de nourriture suffisante a donc pu sélectionner les gènes qui codaient pour une taille plutôt petite chez les femmes. Qui dit gènes sélectionnés par rapport à d’autres, dit augmentation de la fréquence des individus qui les portent…jusqu’à ce que la population entière soit ressemblante pour ce caractère : les femmes sont sélectionnées par l’histoire qu’elles ont subi à être petites de façon à tenir le coup en cas de difficulté à manger. Le plus tout-petit-tout-plat elles étaient, le moins elles étaient exigeantes, le plus « fit » à leur environnement patriarcal elles étaient.

Ce n’est donc pas de la compétition, mais de la pure et simple inégalité, dit en substance Priscille Touraille. Donc une question d’organisation sociale et politique, et non pas une adaptation à des contraintes « naturelles » (la taille du cerveau du fœtus, etc.). Le dominant décide que les autres ont moins besoin que lui. Cette hypothèse, non contente d’être la seule qui résiste à une rigoureuse analyse multidisciplinaire, a la beauté de la simplicité. Mais du coup, pose question : comment ça se fait qu’il ait fallu attendre les années 2000 pour y arriver ? Une chercheuse interviewée dans le film dit « C’est une aberration de ne pas l’avoir vu avant ! » La taille plus petite des femmes semble tellement aller de soi que personne n’a pensé à la questionner ! Très belles réflexions de Françoise Héritier et d’une autre chercheuse sur leurs propres pratiques de recherche, et comment leur travail scientifique est influencé par les questions qu’on est capable (ou pas, justement) de se poser, et donc par sa propre vie non professionnelle (amicale, familiale).

Ma conclusion : enthousiaste !

Le pari est réussi : le message passe, alors qu’il est issu d’un raisonnement très complexe et implique beaucoup de disciplines différentes (médecine, histoire, anthropologie et anthropométrie, biologie (évolutionniste ((Ok, il n’y a plus de place pour une biologie non évolutionniste depuis Darwin, mais les différentes branches de la biologie sont plus ou moins imprégnés de raisonnements évolutionnistes)), du développement, comparée, génétique). La preuve, j’ai dû vous perdre dans cet article, il faut aller lire le travail de Priscille Touraille pour tout bien comprendre.

Quand tu es scientifique/chercheuse et cinéphile et que ton genre préféré ce sont les documentaires (pas scientifiques), tu deviens particulièrement difficile face aux documentaires scientifiques ((Je parle de moi, donc)). Quand le sujet traité est en plus aussi complexe et le raisonnement aussi peu intuitif, c’est facile de se planter. Eh bien, c’est un excellent documentaire, agréable à regarder, drôle, instructif, qui donne à réfléchir, ne dit pas d’âneries, et joli. Et tout ça malgré l’usage d’une voix off, qui n’est d’habitude pas du tout ma tasse de thé. Donc bravo à la réalisatrice, bravo à tous ceux qui ont bossé à rendre ce film possible, bravo aux amis belges de la B.O., et bravo aux producteurs, et en particulier à Arte pour avoir fait cet investissement ! Et au CNRS qui j’espère a bien soutenu le projet, pour une fois qu’un travail de recherche fondamental passe à la télé !

Discussions (questions/réponses) autour du film à l’issue de la projection

Guillaume Lecointre a salué la dimension comparatiste qui apparaît bien à l’écran (comparer les différentes espèces et voir ce que ça nous apprend sur chacune d’entre elle et sur l’évolution du vivant), alors que nos disciplines sont (trop) cloisonnées. Bien vu !

Question intéressante dans la salle : Que se passe-t-il dans les familles où il n’y a que des filles ? Sont-elles plus grandes que la moyenne des filles de leur génération, parce qu’elles n’ont pas eu à passer après des garçons pour avoir des bonnes et riches choses à manger ? Pierre-Henri Gouyon (PHG), biologiste spécialiste de génétique, de sexualité des plantes et d’écologie (donc populations et évolution), qui était également présent à la projection a dit qu’on manquait de données sur le sujet. J’aurais dit que la différence ne se fait pas en une génération, aussi, puisqu’il s’agit de sélection « naturelle » de gènes (et donc de caractères) et non de simples carences et de moins bonne santé/forme/force. L’historien présent à la projection (celui du documentaire) a ajouté que des études des fratries avaient montré que les ainés étaient plus grands (en moyenne…) que les suivants.

Perspective intéressante de PHG : il faut se battre contre l’envie qu’on a de penser que la nature est bien faite, et ne pas être tenté de justifier l’évolution par l’idée que ce qui est sélectionné est toujours plus adapté. Et quand une spectatrice a commencé à faire appel à la testostérone pour expliquer les grandes tailles des hommes et que cette testostérone était aussi responsable de meilleure qualité de sperme, et que donc les femmes choisissaient le meilleur reproducteur, que bon bref, c’était les hommes qui disposaient et les femmes qiu choisissaient, il a dit, un chouïa agacé (en substance) : « Les systèmes de genre, comme systèmes sociaux, sont inégalitaires, les hommes n’ont pas besoin de la testostérone pour imposer leur domination ». La réponse de Catherine Vidal, neurobiologiste de l’Institut Pasteur est aussi éclatante (en substance) « Dans le monde, (et dans l’histoire) on ne peut pas vraiment dire que les femmes choisissent avec qui elles ont des enfants, une réalité très courante, ce sont quand même les mariages arrangés. »

PHG a rappelé que si dans nos sociétés, les hommes ne veulent généralement pas d’une femme plus grande qu’eux, les femmes ne veulent pas non plus d’homme plus petit qu’elles. Ces choix sont donc désormais complètement internalisés. Et ce, dès le plus jeune âge. J’ai 2-3 copines qui sont assez grandes, elles excluent de se mettre avec un garçon plus petit qu’elles…et se plaignent en même temps d’avoir par là-même un choix plus réduit de garçons potentiels, comme sans se rendre compte qu’il s’agit d’un choix et non d’une interdiction. De même, j’ai 2 copains assez petits, et ils se plaignent d’avoir un choix réduit de filles. Dommage :). Je me moque un peu mais j’avais eu un léger choc quand j’ai appris que mon père était plus petit que ma mère (je ne les avais jamais vus ensemble). Ce qui explique sans doute au passage pourquoi je suis plus petite que ma mère, ce qui m’a toujours paru une injustice parce que je pensais que chaque génération était (en moyenne) plus grande que la précédente. D’abord, il s’agit de moyennes populationnelles (ça ne dit rien sur les individus, mais que des probas), et d’autre part, c’est pas toujours vrai ni partout. Je vis soudain bien mieux ma petite taille.

Bon alors comment on corrige tout ça ?

Il faut comprendre qu’aujourd’hui, ce ne sont plus les inégalités alimentaires qui entretiennent l’inégalité de taille entre hommes et femmes, mais le choix des partenaires. Voir les articles de psychologie évolutionniste sur le sujet. Les femmes petites étaient sélectionnées sur leur plus grande capacité d’adaptation à la restriction alimentaire, et ce plus fortement que la contre-sélection qui s’exerçait sur elle par la mortalité à l’accouchement.

Ce qui veut dire aussi que si on arrête là tout de suite de mal nourrir les filles et les femmes (on a vu que ces pratiques sont encore courantes), la taille des filles ne se mettrait pas à grandir de façon mécanique, même en appliquant ce régime sur plusieurs générations. Pour inverser la tendance, il faudrait à nouveau contre-sélectionner les petites (elles le sont moins avec la césarienne, et la médicalisation des accouchements) et/ou sélectionner les grandes, et cela pourrait se faire, par exemple, si les petites font moins d’enfants que les grandes, mais aussi sélectionner les petits hommes et/ou contre-sélectionner les grands (il faudrait que les petits aient plus d’enfants que les grands porteurs des gènes de grands). Tout ça marche très bien si des couples où la femme est plus grande que l’homme se mettent à faire plus d’enfants que les autres. Vous voyez ce qu’il vous reste à faire. Ou pas.

Puisque tout ça est si politique, quelqu’un a demandé si au cours de l’Histoire on n’avait jamais observé une société où les femmes seraient plus grandes que les hommes, par exemples chez les Amazones, archétype de la société matriarcale dans la tête des gens ((Un jour je m’y intéresserai)). D’une part, on manque de données, surtout pour les femmes. D’autre part, ça serait difficile à « voir » car la différence entre les hommes et les femmes est de 10 cm en moyenne, et la variation observée des tailles est justement de +/- 10 cm. Dommage.

Prendre conscience du monde, regarder autour de soi

La réalisatrice a dit qu’à l’occasion de ce travail elle s’était rendu compte qu’elle avait parfois donné plus à manger à son fils qu’à sa fille, quand ils étaient petits. On ne se le dit pas explicitement, mais bon, en gros, « tout le monde sait » que les garçons ont plus de besoins. Et puis on fait comme on a vu chez sa mère, et elle faisait comme chez sa mère, etc. Et hop, le tour est joué !

Chez mes grands-parents maternels à Istanbul, dans une bonne famille bourgeoise, j’avais remarqué quand j’étais petite, et un peu choquée ((Ou plutôt amusée tellement je trouvais ça énorme)), que ma grand-mère servait mon grand-père en premier (et l’appelait Pasha, aussi). La réalisatrice a dit que c’était pareil chez ses grands-parents (mais j’ai oublié où en France).

Cette discussion m’a permis de me rendre compte que quand je recevais des garçons à manger, je m’inquiétais toujours plus d’avoir assez à manger pour eux, combien de fois n’ai-je pas pensé (explicitement, pour le coup) « Ouh là je vais avoir de jeunes garçons à nourrir, c’est les pires, ils mangent comme des loups affamés, et ils en ont besoin, ils sont en pleine croissance ». Je ne me suis jamais dit ça pour une femme enceinte ou allaitante, ou une femme tout court qui doit stocker quelques graisses pour tenir le coup.

Que le premier qui n’a jamais été témoin/acteur de ce genre de comportements me lance la 1ère pierre.

La recherche au cinéma

Un ami m’a dit qu’il avait senti que les chercheurs dans le film semblaient parler de choses pas complètement établies, certaines, comme si c’étaient des choses sur lesquelles ils étaient à peine en train de bosser. Très intéressante remarque. Moi, convaincue depuis 2006 quand j’ai écouté Priscille Touraille dans un séminaire juste après sa soutenance de thèse, je n’ai vu que des chercheurs d’autres disciplines « convoqués » dans le film pour appuyer ce qu’elle dit, passant complètement à côté des hésitations que cet ami a perçu chez des chercheurs devant une hypothèse si audacieuse…mais si bien démontrée. Jusqu’à preuve du contraire, hein. Bel exemple de documentation d’un travail de recherche en train de se faire, c’est trop rare !

Quelques remarques formelles

[FORME] La voix off est celle de Sophia Aram, qui ne peut s’empêcher de minauder, faut pas être allergique. Peut-être un choix fait pour renforcer le pari de faire rire avec un documentaire scientifique ? Je pense qu’elle sert très bien le film, sans parler qu’elle est connue, et que ça peut aider aussi.

[FORME] Les interviewés sont présentés avec l’affichage de leur Prénom Nom, métier et… taille !! Par exemple, ça donne Bidule Chose, endocrinologue, 1m70. Ça fait beaucoup rire dans la salle, et c’est bien vu ((La 1ère apparition de Priscille Touraille est sans nom…parce qu’on est avant le générique. Paraît que c’est une pratique codifiée des documentaires.)).

[FORME] Le film contient plein d’extraits de vieux films (parfois je me suis demandé si c’était pas des faux vieux, mais bon), de vielles photos mais aussi des animations en 3D (accouchement, passage de squelette de singe à squelette d’humain), et aussi des illustrations « à l’ancienne » (je ne sais pas comment les décrire). Plein de photos de couples contemporains, parfois animées (vidéos). Très bien fini, agréable à regarder, on ne s’ennuie pas un instant sur ces 53 minutes de science.

Râler pour râler

[FORME] Le générique passe à une vitesse vertigineuse, absolument impossible d’en lire un seul mot. On m’a dit que c’était parce que c’était « limité à 30 secondes par ARTE ». Alors ça sera ralenti dans le DVD, m’enquis-je ? Non, et on qu’on a qu’à utiliser le bouton pause. Okay. En 2014. Bon.

[FOND] Assez au début du film, quand on se demande si la variation de taille pourrait être expliquée par l’environnement, il est dit un truc du genre qu’on a absolument besoin de certaines protéines qui ne se trouvent que dans la viande, le lait, les œufs. Bref, les protéines animales. Les végétariens militants [màj 26/01/2014 : et surtout les végétaliens] qui affirment le contraire apprécieront. Quant à moi, je n’ai jamais trop su qu’en penser, même si j’ai tendance à croire que les protéines animales sont mieux assimilées, donc plus utiles sur le plan nutritif. À creuser, un jour, peut-être.

[FORME] J’aurais bien aimé voir les dates sur les documents d’archives, dans un coin. J’imagine que c’est à l’image de ces éditeurs qui refusent les notes de bas de page, aussi fou que cela puisse paraître, parce que ça ferait intello/lourd/académique/whatever. Mouarf.

Liens utiles

Pour aller plus loin

https://en.wikipedia.org/wiki/Height_discrimination et sur https://en.wikipedia.org/wiki/Human_height

  • J’ai de gros doutes sur l’intérêt, mais bon, le film a sa page FB

Autour du film, à la radio et à la télé

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je vais compléter/corriger certains éléments de l’article quand j’aurai l’occasion de revoir le film

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Fiche technique du film

RÉALISATION : VERONIQUE KLEINER, CONSEILLER SCIENTIFIQUE PRISCILLE TOURAILLE (CNRS / MNHN)

PRODUCTION : POINT DU JOUR / PICTA PRODUCTIONS / ARTE FRANCE / CNRS IMAGES / CNDP AVEC LA PARTICIPATION INSERM

ANNÉE 2013 DURÉE 52’Résumé : Partout dans le monde, les femmes sont en moyenne plus petites que les hommes. Il y a pourtant des espèces animales où les femelles sont plus grandes que les mâles. Le dimorphisme sexuel de taille comme l’appellent les scientifiques n’est pas toujours celui qu’on croit!  Alors dans notre espèce, la plus grande taille des hommes est elle une nécessité naturelle? Pour répondre à cette question, ce film mène l’enquête dans différents domaines scientifiques de la génétique à l’histoire, la biologie de l’évolution, l’ethnologie et l’anthropologie. Les données de paléoanthropologie, d’obstétrique et de nutrition éclairent de façon inédite les contraintes évolutives spécifiques aux femmes. Il apparaît qu’en terme d’évolution, les femmes ont avantage à être grandes. Ce qu’elles ne sont pas. Pourquoi ?Intervenants scientifiques français du documentaire :
Jean-Claude Carel (Hôpital Universitaire Robert Debré) | Service d’endocrinologie pédiatrique (Inserm)
Françoise Héritier (Collège de France) | Laboratoire d’anthropologie sociale (LAS – Collège de France / CNRS / EHESS / EPHE), Paris
Nicolas Herpin (CNRS) | Observatoire sociologique du changement (OSC – CNRS / Science-Po Paris)
Laurent Heyberger (UTBM) | Laboratoire de recherche sur les choix industriels, technologiques et scientifiques (RECITS – Université de Technologie Belfort-Montbéliard)
Sandrine Meylan (Université Paris Sorbonne), Tom Van Dooren (CNRS) | Ecologie et évolution (CNRS / UPMC / ENS Paris)
Priscille Touraille (CNRS) | Eco-Anthropologie et ethnobiologie (CNRS / MNHN), Paris
note : Liste récupérée sur mailing d’annonce du film. Et quid des chercheurs non-français ? Drôle de façon de catégoriser les gens quand il s’agit de recherche et de documentaire…Pire, dans un mail équivalent fait par le CNRS, seuls les chercheurs CNRS sont cités.

FAQ sur le film

Après avoir vu le film, il vous reste des questions ? Vous n’avez pas tout bien compris le raisonnement et avez la flemme de lire la thèse, ni même le livre de Priscille Touraille ? Voilà la FAQ qu’il vous faut ! Questions sur Twitter avec #femmespetites

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Où sont les femmes dans le numérique ? #invisibilité

Hier dans l’émission Place de la toile sur France Culture, nous avons entendu l’ami Jean-No se livrer à son autobiographie numérique, « exercice un peu étrange de l’autobiographie numérique, où il s’agit de raconter sa vie sous l’angle de sa relation aux ordinateurs, à l’informatique et à l’Internet, bref au numérique. »

C’était tout à fait intéressant. De l’attendu, du moins attendu, des détails sur l’enfance de Jean-No, de la relation à son père, des Science et Vie qu’ils lisaient en famille, son 1er ordi, le nombre d’ordis chez lui, son boulot de programmeur plus qu’artiste, d’aideur plus que d’auteur.

Nous avons aussi appris à l’occasion, de l’aveu de Xavier de la Porte (@xporte sur Twitter), que cette rubrique de l’émission n’a pour le moment invité que des hommes (« Le point commun de tous ces gens (en plus d’être des hommes, ce qui ne m’honore pas, je le confesse… « ). De fait de cet aveu, je ne peux plus vraiment faire un procès à @xporte (chez moi, faute avouée est à 200% pardonnée ; tandis que faute pas avouée, je suis très énervée), mais je voulais comprendre quand même.

Alors je lui ai demandé via Twitter comment ça s’était exactement passé :

La liste des invités, d’après la page du tag « autobiographie numérique » , dans l’ordre anté-chronologique : Daniel Schneidermann, François Bon, André Gunthert, Tristant Nitot, David Dufresne. Je ne sais pas si je les aurais qualifiés de « personnalités connues de l’Internet français, sans l’être forcément du grand public. » J’ai l’impression que Daniel Schneidermann est surtout un personnage connu de la télé (le bon vieux Arrêt sur image sur la Cinquième (puis France 5) de 1995 à 2007, puis sur internet depuis que la chaîne a arrêté l’émission) et des journaux (Le Monde avant d’être viré sous prétexte d’un article qui demande à la rédaction de répondre aux attaques de Péan et Cohen ; puis Libération depuis) (pour en savoir plus, la page WP de Daniel Schneidermann), plus que de l’internet mais chacun doit avoir sa propre perception, en fonction notamment de son âge et de sa pratique de ces différents médias. 

Jean-No serait donc le 7ème invité. Cette rubrique n’est pas encore trop vieille, et l’animateur a l’air de demander de l’aide :

…alors aidons-le ! Mais en attendant que @xporte nous dise comment ça s’est passé exactement, je me suis mis à sa place : comment j’aurais fait si je devais trouver des invités intéressants à mon émission ?

Comment trouver des femmes ?

On peut demander aux invités. Rien de tel que la co-optation. Les gens se sentent valorisés, de faire partie d’un club sélect. Je suis sûre que Daniel Schneidermann, François Bon, André Gunthert, Tristant Nitot, David Dufresne ou Jean-Noël Lafargue ont plein de noms à conseiller chacun s’ils y mettent un peu de bonne volonté (qui oserait en douter ?).

On peut demander sur Twitter. On est plein. On aime le numérique. On RT. On crowdsource.

On peut demander aux associations et réseaux informels. Par exemple à Girlz in web « réseau des professionnel-le-s du digital et des nouvelles technologies.  »

On peut demander sur les chan IRC. Y en a plusieurs de féministes, forcément plein qui parlent de numériques ou de ses différentes sous-catégories (art numérique, littérature numérique, etc.)

On peut assister à des événements concernant le numérique/le web/l’informatique, à La Cantine, conférences, on peut lire les rubriques techno des journaux/contacter les journalistes, on peut aussi naviguer de liens en liens (effet boule de neige).

[insérer ici d’autres idées que j’espère voir en commentaires]

Voici quelques pistes de « femmes connues de l’Internet français, sans l’être forcément du grand public »

Y a des femmes au Conseil National du Numérique

Au Conseil National du numérique, sur les 4 membres du bureau, il y a 1 femme. Valérie Peugeot.

Mais sur les 25 autres membres, 13 sont des femmes : Nathalie Andrieux, Virginia Cruz, Marylène Delbourg-Delphis, Marie Ekeland, Virginie Fauvel, Audrey Harris, Laurence le Ny, Sophie Pène, Nathalie Bloch-Pujo, Lara Rouyrès, Cécile Russeil, Nathalie Sonnac, et Brigitte Vallée. Ça laisse le choix.

Y a des femmes chez Silicon Sentier

Chez Silicon Sentier, « Association parisienne, soutenue par la ville de Paris, regroupant des sociétés en technologies open source, réseaux, le Web ou la mobilité. »

Membres du CA : 4 femmes (0 membres d’honneur, et seulement une trésorière au bureau…). Mais la déléguée générale est Marie-Vorgan Le Barzic (absente de la page Gouvernance et statut…)…

Y a des femmes qui font de l’art numérique

Y a au moins Albertine Meunier et c’est bien chouette

Y a des femmes qui codent et dont c’est le métier

Y a au moins Sylvie Tissot, chez Anabole

Y a des femmes qui enseignent les humanités numériques

et même que vous en lisez une

Y a des femmes qui se posent des questions sur les jeux vidéos

Y a au moins @MarLard et ça a fait beaucoup de bruit y a pas si longtemps que ça

Y a des femmes qui font de la recherche en informatique

Y a au moins Clémence Magnien au LIP6 à Paris

Y a des femmes qui utilisent des outils numériques pour comprendre l’histoire

Y a au moins Claire Lemercier, voir sa page de profil au CSO et sur Wikipédia

Y a au moins ces femmes, donc y en a plein d’autres ! À vos commentaires !

P.S. Croyez-moi j’aurais préféré ne pas avoir à écrire cet article. J’aurais préféré que la question ne se posât pas du tout, ou que des hommes aussi se sentent concernés. Mais voilà, il faut donc en 2013 encore et toujours être féministe. Féministes tant qu’il le faudra. Merci quand même aux garçons à qui j’ai demandé des noms et qui m’en ont trouvé quelques-uns, très vite. Je les laisse finalement les ajouter en commentaires 🙂

P.P.S. Et puis pourquoi je fais/on fait le boulot de documentaliste à titre gratuit ? Sortir de la facilité, c’est aussi du boulot. À faire par ceux qui sont payés pour !

P.P.P.S. Inviter des femmes dans ces occasions, c’est faire qu’il y ait plus de « personnalités connues de l’Internet français ». #CercleVertueux

P.P.P.P.S Liens qu’on m’a signalé sur Twitter :

Ces femmes françaises d’influence dans le secteur IT dans le Journal du net du 24/01/2014

La France a-t-elle eu l’Open Access Week qu’elle mérite ? #OAW #OAW13

Acte 1. Avant que n’éclate le #MSWgate

L’Open Access Week, ou semaine du libre accès, c’est, selon le site OpenAccessWeek.org « A global event, now in its 6th year, promoting Open Access as a new norm in scholarship and research. »

On voit dans la page About qu’il est attendu principalement que ce soient des financeurs de la recherche (l’ANR ou le MESR en France ?), des chercheurs, des administrateurs de la recherche, des éditeurs, des étudiants et des bibliothécaires/documentalistes qui l’organisent. D’après la page Wikipédia du projet, ce sont 2 associations américaines qui ont lancé le concept en 2007.

En France en 2013, l’Open Access Week s’est résumé en 1 événement à la FMSH (Paris), 1 à l’EHESS (Paris), 1 événement à l’UPMC (Paris) et 2 événements hors de France. Donc rien à l’échelon national, un événement principalement parisien.

Au premier abord, j’aurais pensé qu’en France un tel événement devrait être organisé par un collectif d’institutions/labos/unités de recherche, du type de ceux à l’origine de la pétition I Love Open Access.

Au lieu de ça, en France, l’OAW 2013 a été organisé par MyScienceWork (MSW), une entreprise qui enferme des articles en accès ouvert derrière une barrière d’inscription. Cela avait d’ailleurs déjà été relevé au mois d’août dernier par un documentaliste sur Twitter :

Cerise sur le gâteau, cette entreprise (MSW) initialement crée en France a récemment installé sa domiciliation fiscale au Luxembourg « tout en ayant une filiale à Paris » (pas forcément pour de l’exil fiscal, le Luxembourg est un beau et généreux pays : il a par ailleurs investi entre 1,2 et 1,5 millions d’euros selon les sources de MSW)

La crème sur la cerise sur le gâteau, ce sont les partenariats publics établis. D’après les logos en bas de page d’accueil,

Capture d’écran 2013-11-02 à 17.17.48

l’événement a pour partenaires de nombreux organismes publics et para-publics prestigieux :

OpenEdition, portail de ressources électroniques en SHS qui regroupe les 4 plateformes : (i) OpenEdition Books (livres), (ii) Revues.org (revues et livres), (iii) la plateforme de blogs Hypothèses (blogs de recherche) et (iv) Calenda, calendrier en libre accès de l’actualité de la recherche en SHS). L’ensemble est développé par le Centre pour l’édition électronique ouverte (le Cléo), un centre mixe CNRS-Université de Marseille-EHESS
– Le consortium Couperin, « de négociation et d’expertise des ressources documentaires électroniques de l’enseignement supérieur et de la recherche français. » (définition WP)
– Les Universités Pierre et Marie Curie (Paris) et du Luxembourg,
– L’URFIST, le service inter-académie de formation à l’information scientifique et technique,
– Le CCSD, unité propre de service du CNRS, qui développe dans l’esprit du libre accès les archives ouvertes Hal, la plateforme TEL (thèses en ligne) et Médihal, ainsi que la plate-forme Sciencesconf.org,
EDPSciences, une maison d’édition,
– L’Institut français, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui a pour mission la promotion de l’action culturelle extérieure de la France
– La FMSH, Fondation Maison des sciences de l’homme, de statut associatif à sa création, mais fondation depuis l’année suivante [mise à jour le 16 nov. 2013, note 1], et servant un peu [mise à jour le 16 nov. 2013:] beaucoup de soutien et de coordinateur à de nombreux projets internationaux [mise à jour le 16 nov. 2013:] et pas seulement 🙂
– L’EHESS, École des hautes études en sciences sociales, de statut « grand établissement » de recherche et d’enseignement supérieur.

Enfin, le pompon sur la crème sur la cerise sur le gâteau, c’est que le site web de la semaine de l’OA en France (https://www.mysciencework.com/open-access-week) est hébergé chez MSW, au lieu d’un nom de domaine « neutre » et rassembleur où tous les partenaires puissent se reconnaitre, et c’est donc seulement cette entreprise qui a bénéficié du trafic généré par cet évènement.

Cela pose de nombreuses questions (je vous fais une synthèse de mes questions et de celles vues ici et là) :

[1] Est-ce que c’est MSW qui, partant de l’observation que les acteurs institutionnels légitimes n’arrivaient pas à se bouger, a décidé de proposer quelque chose et a ensuite réussi à les fédérer, ces derniers étant trop heureux de faire quelque chose « clés en mains », à moindre frais ; ou est-ce qu’une ou plusieurs de ces institutions a fait appel à la boîte, hors toute procédure adéquate, pour leur suggérer d’organiser la semaine, les assurant de leur soutien comme partenaire ? Les quelques questions posées en privé et sur Twitter à certains protagonistes n’ont pas permis d’y voir plus clair. Mais en privé, 2 sources indépendantes et proches de l’affaire, comme on dit, ont affirmé que l’EHESS était demandeur. Cette rumeur est démentie par un tweet assez étonnant [précision le 16 nov. 2013 : étonnant non pas pour le démenti, que je prends extrêmement au sérieux, mais sur l’appel personnel à l’organiser. Comme si là était le sujet.] de Pierre Mounier :

[2] Comment se fait-il que ces prestigieux acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’édition libre en France ont-ils eu « besoin » d’une entreprise franco-luxembourgeoise (MSW) pour organiser l’Open Access Week à Paris en 2013 ? Que l’entreprise franco-luxembourgeoise ait souhaité ces partenariats se comprend aisément, mais comment EHESS et FMSH ont-ils pu accepter un tel partenariat ? Par faute d’argent ? Par faute d’idée ?

[3] Enfin on peut se demander comment la décision du partenariat a été prise au sein de chacune des institutions sus-citées de demander/accepter d’engager des institutions publiques françaises dans une initiative privée franco-luxembourgeoise dont le fonctionnement est en contradiction avec les principes mêmes de l’open access ?

De façon cohérente (mais étonnante quand on voit la suite des événements), certains partenaires ont d’ailleurs affiché leur soutien (parfois individuel) à la semaine et le site MSW (en plus du logos sur la page), prêtant donc encore une fois de leur légitimité à l’opération :

Acte 2. Le #MSWgate

De son côté, Stéphane Pouyllau (SP), directeur-adjoint d’Huma-Num, la très grande infrastructure pour les humanités numériques, a été invité par MSW pour parler de digital humanities (humanités numériques en français) au cours de la semaine de l’OA. Il a accepté  et cela lui a permis de découvrir la plateforme de l’entreprise en question. Cette découverte a été pleine de surprise et il en a tiré un article très complet, qui offre notamment une session de consulting gratuit à l’entreprise qui saura, espérons-le, en tirer tous les bénéfices (plein de conseils à implémenter, 3 ans après avoir commencé à travailler sur la plateforme. Il n’est jamais trop tard pour se poser les bonnes questions et bien faire).

puis

et

SP ne mâche pas ses mots, il dit notamment que « le moteur de recherche de MSW […] – tout en se réclamant de libre accès […] – en malmène largement les principes ; voir construit son projet en privatisant de la connaissance en libre accès. »

et plus loin

« je trouve ces pratiques malhonnêtes et je dis qu’il s’agit de la privatisation de connaissances en libre accès. »

De son côté, Marin Dacos et n’hésite pas à parler de « vol » dans son commentaire du billet de SP et va jusqu’à dire :

« Avaler et republier des contenus qui ne sont pas placés en licence libre, c’est illégal, c’est du vol, pur et simple. Cela n’a rien à voir avec une quelconque jeunesse technique du projet. Peu m’importe, pour ma part, que les fichiers soient dans une zone d’accès restreinte aux membres. Ce qui doit cesser immédiatement est la republication sans autorisation des articles.
Il n’y a pas de rdv avec HAL qui tienne. A ma connaissance, les auteurs n’ont pas cédé à HAL une licence leur permettant de céder à leur tour les articles à un tiers, sous droit d’auteur ou sous licence libre. En l’absence de mention particulière, les articles appartiennent à leurs auteurs et à leurs auteurs seulement. »

Le billet de SP rencontre pas mal d’échos, à en juger par les riches commentaires et le fait qu’il est soit repris sur Twitter. Par Hubert Guillaud :

Par @Calimaq :

Les réactions

Des réponses de MSW commencent à arriver, mais elles sont largement insuffisantes et « locales »:

À cette occasion, les langues se délient plus généralement sur l’outil proposé par MSW et par les événements de l’OAW, voir par exemple :

ou

ou encore

ou aussi

Tandis que devant les pontes français de l’Open Access (comme Marin Dacos et Stéphane Pouyllau), MSW et ses dirigeants font des courbettes…

…ils n’hésitent pas à se lâcher pour les autres qui posent des questions :

ou :

Bien sûr, il y a çà et là des gens qui se disent choqués par les propos de la dirigeante de MSW :

ou

et

Les soutiens s’expriment cependant principalement en privé. Pourquoi n’osent-ils pas se montrer en public ? Ont-il peur des représailles ? MSW est-il si puissant et dangereux ?

Y a donc un moment où cela a complètement dégénéré, comme le signale également Stéphane Pouyllau :

Que s’est-il passé ?

Quelqu’un a une explication ? Qu’est-ce que cette gestion calamiteuse de mini-crise ? Quelles leçons doit-on en tirer ?

S’agit-il de « darwinisme entrepeunarial » (comme je l’ai reçu par dm par un ami chercheur  : « Elle est en mode Darwinisme entrepreunarial la cheffe. On la critique, elle mord. » ? Je prends les paris que dans les jours qui viennent MSW va prendre des contacts personnels avec Marin Dacos, Pierre Mounier et Stéphane Pouyllau pour essayer de désamorcer le #MSWgate qui n’a déjà que trop duré.

Mon problème n’est personnellement pas avec MSW mais avec la façon dont l’OAW a été mené en 2013 (ou pas, justement) par les institutions publiques impliquées dans l’Open Access : j’attendais plus de sérieux de leur part. Gageons que cet épisode n’est que la base d’un OAW 2014 dans l’esprit initial d’accès ouvert et de collégialité. Ceci dit, il faudrait faire attention car le modèle économique de MSW est basé sur le journalisme scientifique et la « mise en place prochaine d’un compte premium ». Il ne faudrait surtout pas que le travail d’ouverture entrepris par les institutions de recherche françaises finisse sous accès premium pour favoriser un retour sur investissement de l’État luxembourgeois.

P.S. Je n’ai pas pu participer personnellement à l’OAW 2013 malgré une invitation à y parler (au nom de Deuxième labo) donc je ne remets pas du tout en question la mise en œuvre de l’événement mais son insertion dans le tissu public existant et actif de l’Open Access en France.

Notes

1. C’est une lecture trop rapide des premières lignes de la page Wikipédia de la FMSH qui m’a induite en erreur. Et ceux qui me diraient « Mais enfin, ça s’appelle « Fondation… », c’est forcément une fondation », je connais trop bien le cas de la Fondation Sciences Citoyennes, de statut associatif pour m’arrêter à ça.

2. Je ne voulais pas blesser personnellement aucun des acteurs de cette histoire. Apparemment, ça a été le cas. Je les prie de m’excuser. Mais je leur pardonne pas d’avoir laissé des gens m’insulter publiquement sans réagir.

Pourquoi l’ANR devrait ouvrir ses données sur la recherche française #opendata

Il y aurait tant de bonnes raisons qui devraient enfin convaincre l’ANR d’ouvrir ses données…j’ai fait le choix de ne donner la parole qu’aux chercheurs (et personnes proches de la recherche) sur Twitter. Quand tant de questions sont sans réponse, et que cela donne naissance à tant de spéculations, la seule solution est la transparence.

Morceaux choisis :

 

Tics de biologiste de laboratoire ramenés à la maison #thèsedebio #maviedechercheur

(work in progress)

  • Ranger les choses « à 4°C » au lieu de dire « ranger dans le frigidaire » comme tout le monde. Et à « -20°C » pour le congélateur
  • Marquer ses affaires (stylos, règles, ordis) avec du scotch et ton prénom ou nom ou initiales dessus
  • Rendre étanches tes bocaux etc. avec du Parafilm (j’en ai piqué qqs mètres en quittant de mon labo. Puis je me suis dit que j’en aurais jamais assez. Donc je radine à l’utiliser. #fail)
  • Noter la date des choses que tu ranges au frigo ou au congélo avec un marqueur indélébile sur la boite/le sac en plastique
  • Avoir toujours plusieurs marqueurs de couleurs et épaisseurs différentes chez toi
  • Noter son nom sur les verres en plastique en soirée (avec un marqueur indélébilie)
  • « Javeliser » les récipients où des micro-organismes non désirés ont poussé avant de les passer au lave vaisselle

=> Faudrait penser aussi à expliquer pourquoi on fait chacun des trucs dans les labos de bio, à quelles contraintes/usages ça correspond. Démêler ce qui relève du personnel/local et ce qui relève du collectif/généralisable/disciplinaire.

=> Regarder quels tics se font aussi dans les labos d’autres disciplines ou environnements de travail.