Suite aux nombreuses questions soulevées par le film et par mon article,
parce que je suis fascinée depuis le début par ce travail de recherche (la thèse de Priscille Touraille, anthropologue au MNHN),
parce que je regrette que ni ARTE ni le CNRS (images, communication) n’aient mis en place de dispositif de médiation autour du film,
parce que je pensais pouvoir trouver/apporter quelques réponses,
notamment en faisant appel à Pierre-Henri Gouyon (PHG ci-dessous), qui est déjà invité à la radio et à la télé dans le cadre de la sortie du film, et qui est à mon avis incontournable, d’une part parce que spécialiste du sujet (l’évolution, la génétique des populations) et en plus très clair, très pédagogue (et très drôle),
et enfin parce que je savais que je pouvais compter sur l’efficacité de Samy Rabih et sa capacité à me comprendre vite pour le bricolage rapide d’une telle page,
j’ai décidé de lancer cette initiative. N’hésitez pas à poser vos questions ici ou sur Twitter (#femmespetites), et à commenter. Cela va sans dire, on ne pourra pas répondre à toutes les questions 🙂 ES
(question posée par un spectateur le soir de l’avant-première du film)
Éléments de réponse : On manque de données sur le sujet. Comme la différence ne se fait pas en une génération, puisqu’il s’agit de sélection « naturelle » de gènes (et donc de caractères) et non de simples carences et de moins bonne santé/forme/force (voir question 2). On aurait donc besoin d’un suffisamment grand nombre de familles où depuis des 100aines de générations il n’y aurait eu que des filles… qu’on pourrait comparer avec un suffisamment grand nombre de lignées de familles, toutes choses égales par ailleurs, où il y aurait des filles et des garçons, et encore autant de lignées avec que des garçons. Bonne chance :). L’historien présent à la projection (celui du documentaire, je donne le nom dès que je mets la main dessus) a ajouté que des études des fratries avaient montré que les ainés étaient plus grands (en moyenne…) que les suivants. « Ref needed » mais élément vraiment intéressant 🙂 ES
=> Répondre / CommenterLa sélection favorisant les femmes grandes reposait sur la mortalité supérieure des femmes petites au moment de l’accouchement. Dans nos populations, les progrès de l’obstétrique ont probablement réduit l’intensité de cette sélection. Ne reste plus, chez nous que la sélection par les hommes, de femmes plus petites qu’eux sans compter une probable sélection par les femmes d’hommes plus grands qu’elles. Alors, le dimorphisme de taille me semble encore bien installé. PHG
=> Répondre / CommenterLe tweet-inspiration :
@squintar je n’ai pas l’impression d’avoir été mieux nourri que ma petite sœur aînée…
— jj (@jeremjacob) January 24, 2014
Et votre arrière grand-mère ? Et les mille générations précédentes ? On parle de sélection sur des gènes, ça prend du temps :). PHG
=> Répondre / CommenterUn moment dans le film, la chercheuse Priscille Touraille dit que la sélection naturelle (ou l’évolution???) n’a pas opéré de façon optimale dans l’histoire (et la préhistoire) des humains. Mais ce terme d’optimal est-il adapté dans un contexte scientifique, et que veut-elle dire par là ?
=> Répondre / CommenterLa question sur Twitter
@squintar je ne comprends pas comme le caractère « petit » peut n’être transmis qu’aux femmes.
— jj (@jeremjacob) January 24, 2014
C’est pas comme ça que ça marche. Les gènes qui donnent une petite taille aux femmes sont des gènes dont les produits ou dont l’expression dépend des hormones sexuelles. Dans le contexte hormonal d’un homme, ils prédisposeront à une taille plus grande que dans le contexte hormonal d’une femme. De même, les gènes agissant sur la pilosité ou la constitution des organes sexuels et reproducteurs sont présents dans les deux sexes mais ne s’exprment pas de la même façon. Par exemple, certains gènes induisent la chute des cheveux en présence de testostérone (hormone mâle) d’où le fait que les hommes sont plus chauves que les femmes. PHG
=> Répondre / CommenterLa question sur Twitter :
@squintar en FR on peut considérer une égalité dans l’alimentation depuis quelques dizaines d’années. L’inégalité de taille aurait due etre
— jj (@jeremjacob) January 24, 2014
Les femmes ne sont pas petites parce qu’elles sont sous-nourries aujourd’hui. Elles sont petites parce que de nombreuses générations les précédant ont été sous nourries et que cela a sélectionné des gènes donnant une petite taille aux femmes.
S’il n’y a plus de pression de sélection, comment ça se fait que les femmes ne se sont pas mises à grandir ? Les progrès de l’obstétrique font que, dans nos population, les femmes petites ne meurent plus en couches, ou rarement, il n’y a donc plus de sélection pour une grande taille (en fait, les choix de partenaires des hommes et des femmes maintiennent une sélection en faveur d’un dimorphisme). PHG
=> Répondre / CommenterOui, et quand vous écrivez, c’est juste le mouvement de vos doigts 🙂
Il y a différents niveaux de causalité. Vos doigts bougent sous l’influence de votre cerveau, les hormones et les chromosomes ont été constitués sous l’influence de la sélection. PHG
=> Répondre / CommenterCe n’est pas la pénurie qui s’est inscrite dans les gènes, ce sont ses conséquences. La sélection sur les chihuahuas réalisée par les humains sur des bases sociales (goût pour un petit chien poilu) s’est inscrite dans les gènes de ces chiens. C’est ça la sélection (voir réponse à la question juste au dessus). PHG
=> Répondre / CommenterLa question sur Twitter :
@squintar un peu… Mais il est justement question de sélection. Et il s’agit en général de tps long. je ne vois pas en quoi le choix..
— jj (@jeremjacob) January 24, 2014
@squintar …de partenaire procure encore dans notre société un avantage sur le long terme pour la lignée.
— jj (@jeremjacob) January 24, 2014
La sélection fonctionne par le fait que certains allèles (variantes d’un gène donné) se reproduisent plus que d’autres. Il y a de nombreux gènes dont les variations (différents allèles) influent sur la taille de l’individu qui les portent. En plus, agissent l’environnement et l’épigenèse. Ce qu’on sait, c’est que, chez les chiens par exemple, si on fait reproduire préférentiellement les plus grands, la taille des individus augmente dans la population. De même, si on fait reproduire les plus petits, la taille diminue. L’idée de Darwin quand il présente la sélection sexuelle, c’est que dans ce cas, le choix n’est pas opéré par un sélectionneur mais par les individus du le sexe opposé.
En termes actuels, si les hommes préfèrent les femmes plus petites et que, de ce fait, ces dernières laissent plus de descendants que les grandes à la génération suivante, les allèles qui induisent une taille plus petite chez les femmes se reproduisent plus que les autres. C’est ainsi que le choix des uns influence la constitution génétique (dans ce cas concernant la stature) des autres.
Quant à l’avantage pour la lignée, ce n’est en général pas ça qui est sélectionné. La sélection opère par reproduction différentielle A L’INTÉRIEUR de la lignée. Si, comme c’est le cas ici, le résultat est défavorable à la lignée, tant pis…PHG
=> Répondre / CommenterLa question sur Twitter :
@squintar MAIS LES PETITS SE REPRODUISENT TOUT AUTANT ! La proportion de grands n’augmente pas par la génétique !
— jj (@jeremjacob) January 24, 2014
Ah bon, vous avez des stats sur le sujets pour les 100 dernières générations ? PHG
=> Répondre / CommenterLà, on peut élaborer des scénarios mais on travaille sans filet ! Le premier point est de se souvenir que la lignée humaine est incluse dans le groupe des grands singes. Chez nos ancêtres dont la tête était plus petite, les femelles, même petites, pouvaient accoucher sans problème. Il y avait donc peut-être un dimorphisme dès le départ. Nos plus proches parents, chimpanzés et bonobos montrent un dimorphisme assez faible.
On peut aussi imaginer que la force ait eu peu d’importance mais que les mâles aient été simplement plus agressifs, et moins handicapés par les grossesses et les soins aux petits… Le reste est du ressort de la socio-anthropologie. Pourquoi les hommes, dans toutes les cultures, ont-ils asservi les femmes ? Lisez Françoise Héritier. PHG
=> Répondre / CommenterQuestion-inspiration sur Twitter :
@squintar une question qu’on m’a posée (je précise qu’on n’a pas encore vu le doc) : et les lionnes + petites que les lions?
— Sophie G. (@Sophie_Gourion) January 25, 2014
@squintar sous-entendu « c’est naturel »
— Sophie G. (@Sophie_Gourion) January 25, 2014
En général, quand les mâles sont plus grands que les femelles (ce qui n’est pas optimal puisque pour produire des spermatozoïdes, il faut moins de ressources que pour produire des descendants), cela s’explique par le fait que les mâles se battent pour conquérir les femelles et que la sélection a ainsi abouti à des mâles plus grands alors qu’il n’y a pas de sélection forte pour l’augmentation de la taille des femelles.
Chez les humains, il y a un fait particulier, c’est la grosse tête du nouveau né. Ce fait a pour conséquence une forte augmentation de la mortalité en couches des femmes petites. La sélection aurait donc dû aboutir à une augmentation de la taille des femmes.Si ceci ne s’est pas produit, c’est que quelque chose l’a empêché. Quoi? Le travail de Priscille Touraille a traité de cette question. Et il se trouve que, chez les humains, la biologie est totalement dépendante de facteurs qui sont sous contrôle social (nutrition, choix du partenaire…). PHG
=> Répondre / CommenterMais oui, justement ! Voir le manuscrit Why are women smaller than men? When anthropology
meets evolutionary biology soumis à Nature. Refusé pour des raisons éditoriales/politiques (« ça ne nous intéresse pas »), donc même pas envoyé à reviewer… En espérant que ce soit publié bientôt ailleurs. ES
C’est possible mais il y a plein d’autres explications, n’oublions pas que si les femmes sont moins fortes dans la plupart des sports, elles vivent en moyenne plus longtemps (dans les populations disposant d’un système de soins obstétriques avancé). La liste des explications possibles est longue et les possibilités de les tester bien minces…PHG
=> Répondre / CommenterPour commencer, lire (et peut-être chercher à compléter, comme toujours), la page Wikipédia sur les dimorphismes sexuels … ES
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