La France a-t-elle eu l’Open Access Week qu’elle mérite ? #OAW #OAW13

Acte 1. Avant que n’éclate le #MSWgate

Sommaire

L’Open Access Week, ou semaine du libre accès, c’est, selon le site OpenAccessWeek.org « A global event, now in its 6th year, promoting Open Access as a new norm in scholarship and research. »

On voit dans la page About qu’il est attendu principalement que ce soient des financeurs de la recherche (l’ANR ou le MESR en France ?), des chercheurs, des administrateurs de la recherche, des éditeurs, des étudiants et des bibliothécaires/documentalistes qui l’organisent. D’après la page Wikipédia du projet, ce sont 2 associations américaines qui ont lancé le concept en 2007.

En France en 2013, l’Open Access Week s’est résumé en 1 événement à la FMSH (Paris), 1 à l’EHESS (Paris), 1 événement à l’UPMC (Paris) et 2 événements hors de France. Donc rien à l’échelon national, un événement principalement parisien.

Au premier abord, j’aurais pensé qu’en France un tel événement devrait être organisé par un collectif d’institutions/labos/unités de recherche, du type de ceux à l’origine de la pétition I Love Open Access.

Au lieu de ça, en France, l’OAW 2013 a été organisé par MyScienceWork (MSW), une entreprise qui enferme des articles en accès ouvert derrière une barrière d’inscription. Cela avait d’ailleurs déjà été relevé au mois d’août dernier par un documentaliste sur Twitter :

Cerise sur le gâteau, cette entreprise (MSW) initialement crée en France a récemment installé sa domiciliation fiscale au Luxembourg « tout en ayant une filiale à Paris » (pas forcément pour de l’exil fiscal, le Luxembourg est un beau et généreux pays : il a par ailleurs investi entre 1,2 et 1,5 millions d’euros selon les sources de MSW)

La crème sur la cerise sur le gâteau, ce sont les partenariats publics établis. D’après les logos en bas de page d’accueil,

Capture d’écran 2013-11-02 à 17.17.48

l’événement a pour partenaires de nombreux organismes publics et para-publics prestigieux :

OpenEdition, portail de ressources électroniques en SHS qui regroupe les 4 plateformes : (i) OpenEdition Books (livres), (ii) Revues.org (revues et livres), (iii) la plateforme de blogs Hypothèses (blogs de recherche) et (iv) Calenda, calendrier en libre accès de l’actualité de la recherche en SHS). L’ensemble est développé par le Centre pour l’édition électronique ouverte (le Cléo), un centre mixe CNRS-Université de Marseille-EHESS
– Le consortium Couperin, « de négociation et d’expertise des ressources documentaires électroniques de l’enseignement supérieur et de la recherche français. » (définition WP)
– Les Universités Pierre et Marie Curie (Paris) et du Luxembourg,
– L’URFIST, le service inter-académie de formation à l’information scientifique et technique,
– Le CCSD, unité propre de service du CNRS, qui développe dans l’esprit du libre accès les archives ouvertes Hal, la plateforme TEL (thèses en ligne) et Médihal, ainsi que la plate-forme Sciencesconf.org,
EDPSciences, une maison d’édition,
– L’Institut français, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) qui a pour mission la promotion de l’action culturelle extérieure de la France
– La FMSH, Fondation Maison des sciences de l’homme, de statut associatif à sa création, mais fondation depuis l’année suivante [mise à jour le 16 nov. 2013, note 1], et servant un peu [mise à jour le 16 nov. 2013:] beaucoup de soutien et de coordinateur à de nombreux projets internationaux [mise à jour le 16 nov. 2013:] et pas seulement 🙂
– L’EHESS, École des hautes études en sciences sociales, de statut « grand établissement » de recherche et d’enseignement supérieur.

Enfin, le pompon sur la crème sur la cerise sur le gâteau, c’est que le site web de la semaine de l’OA en France (https://www.mysciencework.com/open-access-week) est hébergé chez MSW, au lieu d’un nom de domaine « neutre » et rassembleur où tous les partenaires puissent se reconnaitre, et c’est donc seulement cette entreprise qui a bénéficié du trafic généré par cet évènement.

Cela pose de nombreuses questions (je vous fais une synthèse de mes questions et de celles vues ici et là) :

[1] Est-ce que c’est MSW qui, partant de l’observation que les acteurs institutionnels légitimes n’arrivaient pas à se bouger, a décidé de proposer quelque chose et a ensuite réussi à les fédérer, ces derniers étant trop heureux de faire quelque chose « clés en mains », à moindre frais ; ou est-ce qu’une ou plusieurs de ces institutions a fait appel à la boîte, hors toute procédure adéquate, pour leur suggérer d’organiser la semaine, les assurant de leur soutien comme partenaire ? Les quelques questions posées en privé et sur Twitter à certains protagonistes n’ont pas permis d’y voir plus clair. Mais en privé, 2 sources indépendantes et proches de l’affaire, comme on dit, ont affirmé que l’EHESS était demandeur. Cette rumeur est démentie par un tweet assez étonnant [précision le 16 nov. 2013 : étonnant non pas pour le démenti, que je prends extrêmement au sérieux, mais sur l’appel personnel à l’organiser. Comme si là était le sujet.] de Pierre Mounier :

[2] Comment se fait-il que ces prestigieux acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’édition libre en France ont-ils eu « besoin » d’une entreprise franco-luxembourgeoise (MSW) pour organiser l’Open Access Week à Paris en 2013 ? Que l’entreprise franco-luxembourgeoise ait souhaité ces partenariats se comprend aisément, mais comment EHESS et FMSH ont-ils pu accepter un tel partenariat ? Par faute d’argent ? Par faute d’idée ?

[3] Enfin on peut se demander comment la décision du partenariat a été prise au sein de chacune des institutions sus-citées de demander/accepter d’engager des institutions publiques françaises dans une initiative privée franco-luxembourgeoise dont le fonctionnement est en contradiction avec les principes mêmes de l’open access ?

De façon cohérente (mais étonnante quand on voit la suite des événements), certains partenaires ont d’ailleurs affiché leur soutien (parfois individuel) à la semaine et le site MSW (en plus du logos sur la page), prêtant donc encore une fois de leur légitimité à l’opération :

Acte 2. Le #MSWgate

De son côté, Stéphane Pouyllau (SP), directeur-adjoint d’Huma-Num, la très grande infrastructure pour les humanités numériques, a été invité par MSW pour parler de digital humanities (humanités numériques en français) au cours de la semaine de l’OA. Il a accepté  et cela lui a permis de découvrir la plateforme de l’entreprise en question. Cette découverte a été pleine de surprise et il en a tiré un article très complet, qui offre notamment une session de consulting gratuit à l’entreprise qui saura, espérons-le, en tirer tous les bénéfices (plein de conseils à implémenter, 3 ans après avoir commencé à travailler sur la plateforme. Il n’est jamais trop tard pour se poser les bonnes questions et bien faire).

puis

et

SP ne mâche pas ses mots, il dit notamment que « le moteur de recherche de MSW […] – tout en se réclamant de libre accès […] – en malmène largement les principes ; voir construit son projet en privatisant de la connaissance en libre accès. »

et plus loin

« je trouve ces pratiques malhonnêtes et je dis qu’il s’agit de la privatisation de connaissances en libre accès. »

De son côté, Marin Dacos et n’hésite pas à parler de « vol » dans son commentaire du billet de SP et va jusqu’à dire :

« Avaler et republier des contenus qui ne sont pas placés en licence libre, c’est illégal, c’est du vol, pur et simple. Cela n’a rien à voir avec une quelconque jeunesse technique du projet. Peu m’importe, pour ma part, que les fichiers soient dans une zone d’accès restreinte aux membres. Ce qui doit cesser immédiatement est la republication sans autorisation des articles.
Il n’y a pas de rdv avec HAL qui tienne. A ma connaissance, les auteurs n’ont pas cédé à HAL une licence leur permettant de céder à leur tour les articles à un tiers, sous droit d’auteur ou sous licence libre. En l’absence de mention particulière, les articles appartiennent à leurs auteurs et à leurs auteurs seulement. »

Le billet de SP rencontre pas mal d’échos, à en juger par les riches commentaires et le fait qu’il est soit repris sur Twitter. Par Hubert Guillaud :

Par @Calimaq :

Les réactions

Des réponses de MSW commencent à arriver, mais elles sont largement insuffisantes et « locales »:

À cette occasion, les langues se délient plus généralement sur l’outil proposé par MSW et par les événements de l’OAW, voir par exemple :

ou

ou encore

ou aussi

Tandis que devant les pontes français de l’Open Access (comme Marin Dacos et Stéphane Pouyllau), MSW et ses dirigeants font des courbettes…

…ils n’hésitent pas à se lâcher pour les autres qui posent des questions :

ou :

Bien sûr, il y a çà et là des gens qui se disent choqués par les propos de la dirigeante de MSW :

ou

et

Les soutiens s’expriment cependant principalement en privé. Pourquoi n’osent-ils pas se montrer en public ? Ont-il peur des représailles ? MSW est-il si puissant et dangereux ?

Y a donc un moment où cela a complètement dégénéré, comme le signale également Stéphane Pouyllau :

Que s’est-il passé ?

Quelqu’un a une explication ? Qu’est-ce que cette gestion calamiteuse de mini-crise ? Quelles leçons doit-on en tirer ?

S’agit-il de « darwinisme entrepeunarial » (comme je l’ai reçu par dm par un ami chercheur  : « Elle est en mode Darwinisme entrepreunarial la cheffe. On la critique, elle mord. » ? Je prends les paris que dans les jours qui viennent MSW va prendre des contacts personnels avec Marin Dacos, Pierre Mounier et Stéphane Pouyllau pour essayer de désamorcer le #MSWgate qui n’a déjà que trop duré.

Mon problème n’est personnellement pas avec MSW mais avec la façon dont l’OAW a été mené en 2013 (ou pas, justement) par les institutions publiques impliquées dans l’Open Access : j’attendais plus de sérieux de leur part. Gageons que cet épisode n’est que la base d’un OAW 2014 dans l’esprit initial d’accès ouvert et de collégialité. Ceci dit, il faudrait faire attention car le modèle économique de MSW est basé sur le journalisme scientifique et la « mise en place prochaine d’un compte premium ». Il ne faudrait surtout pas que le travail d’ouverture entrepris par les institutions de recherche françaises finisse sous accès premium pour favoriser un retour sur investissement de l’État luxembourgeois.

P.S. Je n’ai pas pu participer personnellement à l’OAW 2013 malgré une invitation à y parler (au nom de Deuxième labo) donc je ne remets pas du tout en question la mise en œuvre de l’événement mais son insertion dans le tissu public existant et actif de l’Open Access en France.

Notes

1. C’est une lecture trop rapide des premières lignes de la page Wikipédia de la FMSH qui m’a induite en erreur. Et ceux qui me diraient « Mais enfin, ça s’appelle « Fondation… », c’est forcément une fondation », je connais trop bien le cas de la Fondation Sciences Citoyennes, de statut associatif pour m’arrêter à ça.

2. Je ne voulais pas blesser personnellement aucun des acteurs de cette histoire. Apparemment, ça a été le cas. Je les prie de m’excuser. Mais je leur pardonne pas d’avoir laissé des gens m’insulter publiquement sans réagir.

25 réflexions sur “La France a-t-elle eu l’Open Access Week qu’elle mérite ? #OAW #OAW13

  1. Pierre Mounier dit :

    Chère Elifsu,

    merci pour ton importante contribution au débat, à laquelle je me permets de répondre puisque tu m’y convoques nominalement. Le meilleur moyen de savoir si nous avons eu l’open access week que nous méritions était sans doute d’y assister et de juger sur pièce si les conférences, tables rondes et discussions qui s’y sont déroulées étaient ou non de bonne qualité. De cela tu ne peux pas dire grand-chose, puisque tu n’étais pas présente. Le jugement que tu portes donc globalement sur un événement auquel tu n’as pas assisté me semble quelque peu méprisant pour les personnes qui, intervenants et organisateurs ont donné de leur temps, de leur énergie, de leur intelligence pour assurer ces rencontres.

    Quant au rôle qu’ont joué les quelques institutions que tu évoques : je vois beaucoup d’imagination dans les propos que rapportent « en privé » tes mystérieuses sources bien informées réputées proches du dossier (on est en plein roman d’espionnage). Et j’ai peur que ton goût prononcé pour la polémique t’entraîne à accréditer des théories complotistes bien éloignées de la banale réalité : les institutions partenaires de l’événements l’ont été parce qu’elles ont été sollicitées pour prêter une salle ou de l’aide logistique à l’organisation de ces rencontres, comme elles le font habituellement pour des tas de rencontres scientifiques. Ni plus, ni moins. Et cela, je l’affirme publiquement et en mon nom propre, sans dissimulation.

    Fallait-il que ce soit MyScienceWork qui coordonne cette semaine comme, je le rappelle, elle l’a fait en 2012 à l’UPMC et à l’Unesco (deux institutions qui trempent aussi donc dans l’affreux complot) ? Je ne saurais répondre à cette question. Mais il se trouve que cette organisation est la seule à s’être proposée pour assurer cette coordination. Si encore le mouvement de MyScienceWork avait empêché un autre acteur de jouer ce rôle, je pourrais comprendre. Mais il faut bien dire que la concurrence pour ce job a été particulièrement inexistante. Je n’ai pas vu, en particulier, de proposition en provenance de 2e Labo. Aurais-je manqué une information importante ? Il me semble pour ma part que le meilleur moyen pour s’assurer que les choses se déroulent conformément à ses désirs, consiste à les faire soi-même.

    Je réponds donc à ta question : oui, nous avons eu l’open access week que nous méritions. Pour ma part, je peux affirmer avoir assisté aux deux premières rencontres et j’ai beaucoup apprécié les interventions des uns et des autres. J’espère que c’était aussi le cas du public qui y était nombreux. N’est-ce pas cela qui est important ?

    Bien à toi,

    Pierre Mounier

    • Enro dit :

      Bonjour Pierre,

      comme l’explique Elifsu, l’Open Access Week a été conçue par et pour les organismes de recherche et il ne nous serait pas venu à l’idée de nous mettre en avant pour l’organiser en France. Ce qui ne nous empêche pas de rester à la disposition d’un ou de porteur(s) institutionnel(s) motivés, pour donner un coup de main en coulisse et sans tirer la couverture à nous (comme nous l’avions fait dans l’opération iloveopenaccess.org, que tu connais bien).

      Ton constat sur le manque de coordination de l’OA Week en France avant MyScienceWork est très juste. Ces échanges sont révélateurs à cet égard : https://www.openaccessweek.org/group/openaccessfrance#comments

      Et pour ne pas laisser penser qu’il y aurait de la concurrence mal placée entre MyScienceWork et Deuxième labo, je préfère préciser que Deuxième labo ne fabrique aucun produit et encore moins de réseau social. Nous accompagnons et conseillons les acteurs de la recherche dans leurs démarches d’ouverture et de valorisation, de façon totalement agnostique par rapport aux solutions disponibles sur le marché, en nous efforçant de faire correspondre les valeurs du projet avec celles de la solution choisie.

      Antoine (directeur associé de Deuxième labo)

  2. Gretty Mirdal dit :

    Merci. Cok ilginc ve cok muhim. Buyuk bir research yapmissin bu konuda.
    Sevgiler
    Gretty
    PS. Haftaya cuma ve cumartesi migration ve emancipation seminerine geliyor musun? Yerler kitlasmaya basladi. Haber ver.

  3. […] 6th year, promoting Open Access as a new norm in scholarship and research. » (…).» Source : penserclasser.fr/2013/11/02/openaccessweek_france/ Billets en relation : 30/10/2013. Le libre accès privatisé ? : […]

  4. […] La France a-t-elle eu l’Open Access Week qu’elle mérite ? #OAW #OAW13 | penser […]

  5. Cédric dit :

    Je porte sur cette discussion un regard extérieur au monde de la recherche, alors je vais tenter de faire le candide de service et synthétiser tout ce que j’ai compris.

    Les faits :
    1/ Le mouvement OpenAccess est un mouvement qui vise à favoriser la diffusion et l’accroissement des connaissances en tant que bien public commun, auquel chacun peu accéder librement et gratuitement.
    2/ L’OpenAccessWeek est un évènement visant à promouvoir le mouvement OpenAccess, d’origine anglo-saxone, porté par The Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition (SPARC)
    3/ En France, aucun organisme public/semi-public/para-public engagé sur le mouvement OpenAccess ne prend en main l’organisation de l’OpenAccessWeek.
    4/ (La nature ayant horreur du vide) une société privée, MyScienceWork (MSW), se charge donc d’organiser des évènements au moment de l’OpenAccessWeek, et les présente sous la bannière de l’OpenAccessWeek
    5/ L’organisation de ces évènements se fait entre-autres au sein d’organismes public/semi-public/para-public français en rapport avec le monde de la recherche et/ou de l’OpenAccess qui prêtent leur locaux
    6/ MSW affiche le partenariat des-dits organismes public/semi-public/para-public, sans précision de la nature de la relation
    7/ L’activité principale de MSW est de proposer un réseau social autour de l’OpenAccess, mais son positionnement est ambigu, et elle ne donne accès aux contenus que derrière un (pay)wall (qui lui permet de générer de la valeur) le contraire même de l’accès ouvert et libre.

    Les problèmes que cela pose :
    1/ Il semble que n’importe qui puisse prétendre organiser l’OpenAccessWeek et afficher les évènements qu’il veut bien sous cette bannière ;
    2/ Aucun organisme public/semi-public/para-public pro-actif pour organiser ou a minima coordonner cette semaine de promotion de l’OpenAccess, c’est bien regrettable alors que l’objet est justement la diffusion et l’accroissement des connaissances en tant que bien public commun (si ce n’est pas à l’État de s’occuper de cela, à qui est-ce ?) ;
    3/ Une société privée qui organise cet évènement de son propre chef, on sait tous très bien que c’est (aussi) pour promouvoir son activité commerciale, qui malheureusement va ici à l’encontre même de l’accès ouvert aux connaissances ;
    4/ Des organismes public/semi-public/para-public normalement en faveur de l’OpenAccess s’affichent sur cet évènement sans aucune précision comportant leur implication, et, de facto, apportent leur crédit au contenu éditorial de l’évènement. Ce qui inclue la promotion de MSW, et revient donc à tirer une balle dans le pied de l’OpenAccess.

    Il me semble que cela résume bien la situation et le débat.
    Il me semble aussi que l’on ne peut se retrancher derrière le fait que MSW était la seule à se proposer pour organiser l’OAW. Est-ce à dire que si un acteur privé farouchement opposé à l’OpenAccess (car contraire à ses intérêts commerciaux) se proposait pour organiser l’OAW des organismes public/semi-public/para-public lui donneraient carte blanche et le soutiendraient en s’affichant à ses côtés ? Je ne peux le croire.

    Probablement qu’ici le positionnement de MSW est suffisamment ambigu pour que la contradiction n’ait pas sauté aux yeux, et pour que ça ait paru une bonne idée de les soutenir dans leur initiative.

    Ce qui est fait ne pouvant être défait, le débat actuel a le mérite de poser les bonnes questions sur le positionnement de chacun, et les bases pour une meilleure OpenAccessWeek 2014 et une vraie promotion de l’OpenAccess ! 🙂

    • Pierre Mounier dit :

      Bonjour,

      je retiens des contributions d’Antoine et de Cédric la sorte de désir d’un retour à des pratiques de communication très top-down et bien verrouillée par les acteurs institutionnels. On attendait en quelque sorte que l’Etat prenne en main l’événement et assène souverainement sa vision de l’Open Access. De mon côté, je trouvais plus intéressant qu’un acteur non-institutionnel et issu d’une nouvelle génération coordonne (et non « organise ») une multiplicité d’événements se déroulant au sein de différentes institutions. Mon constat est que ce pari est un échec : non seulement parce que ledit acteur est sorti de la route entre-temps et a fait preuve de grande légèreté pile au mauvais moment, mais aussi parce que je vois bien que ce mode de relation est en soi jugé incongru et contraire à nos moeurs : on préfère l’organisation à la coordination, l’institutionnel au non-institutionnel, la leçon à la polyphonie. On ne s’intéresse pas au contenu de l’événement mais à qui en profite.Très bien. Pourquoi pas. C’est en effet plus rassurant et parfaitement conforme à nos routines intellectuelles. Nous verrons donc bien en 2014 si l’Etat sera davantage en capacité de répondre à cette demande d’autorité qu’il ne l’a été les deux années précédentes.

      Ou pas.

      • cerdic dit :

        Hum, je reconnais là une bien grosse ficelle dialectique : « puisque ce qui a été fait est critiqué, la prochaine fois on sera obligé de faire exactement le contraire, mais regardez ce que vous allez perdre ! ».
        J’en use (malheureusement) bien trop souvent pour m’y laisser prendre 🙂

        Comme si sur l’échelle des possibilités il n’y avait que deux extrêmes : laisser faire complet ou dirigisme strict.

        La polyphonie n’empêche aucunement de garder un œil sur ce qui est prévu comme contenu éditorial, d’avoir des gardes-fous, et de sortir le carton jaune si une société commerciale essaye de tirer la couverture à soi, ou essaye de porter une parole qui va à l’encontre même des idéaux du projet.

        D’ailleurs c’est exactement ce qui se passe en ce moment dans la communauté de l’OpenAccess : il y a eu dérapage suffisamment important pour que plusieurs personnes s’en offusquent, prennent la plume pour le signaler bruyamment et éviter que cela se reproduise.

        C’est un mécanisme très sain d’auto-régulation, qui incitera à plus de vigilance en amont à la prochaine édition. Sans pour autant nécessiter d’en arriver à un quelconque dirigisme.

        • Pierre Mounier dit :

          Non. Il ne s’agit pas de cela. Que s’associer à MSW ait été une erreur, je le reconnais bien volontiers et je suis prêt à en assumer ma part de responsabilité s’il le faut, ce n’est pas le problème. Ce que je critique, c’est l’autre partie de la discussion, l’idée selon laquelle ce sont nécessairement des institutions publiques et même, l' »Etat » qui se trouve invoqué explicitement dans votre commentaire, qui doivent « organiser » l’Open Access Week. Je trouve cette idée extrêmement contestable pour de très nombreuses raisons. D’abord parce qu’il ne vous aura pas échappé qu’il n’est pas simple de connaître la doctrine actuelle de l’Etat sur l’Open Access. Ensuite parce que les institutions elles-mêmes ne sont pas complètement monolithiques sur ce sujet. Participer à est une chose, organiser et porter en est une autre. Après avoir flingué les gens qui ont essayé de faire quelque chose plutôt que rien, ce qui est toujours plaisant, on pourrait peut-être se demander pourquoi il n’y a pas d’institution qui ait été en position d' »organiser l’open access week » depuis non pas deux mais six ans en France.

          Dès lors, je suis un peu étonné de voir des acteurs non-institutionnels rester en état de sidération et attendre que l' »Etat » fasse quelque chose. C’est une conception très datée des relations entre acteurs publics et société civile basée sur l’Etat planificateur et organisateur. La réalité d’aujourd’hui est toute autre : il y a un champ (plutôt qu’une communauté vu l’état de relations qui le traverse) de la communication scientifique avec tout un tas d’acteurs, certains privés à but lucratif, d’autres associatifs, d’autres encore publics. TOUS ces acteurs, et pas seulement les acteurs publics, partagent une responsabilité sur ce qui se passe dans ce champ. TOUS partagent la responsabilité d’organiser ou de ne pas organiser l’open access week en France, y compris ceux qui n’ont rien fait et qui viennent maintenant tirer sur ceux qui se sont mouillés pour qu’il y ait quelque chose. Elifsu aime bien citer les tweets des autres, alors pour une fois, je vais lui retourner le compliment. Quand elle écrit : « enfin, je l’aurais organisé personnellement si tu me l’avais demandé 🙂 ou si j’avais levé 1.5 million de fond 🙂 »

          @piotrr70 enfin, je l'aurais organisé personnellement si tu me l'avais demandé 🙂 ou si j'avais levé 1.5 million de fond 🙂 @spouyllau— squintar (@squintar) November 1, 2013

          je tombe de ma chaise. Depuis quand y a-t-il un système d’autorisation pour coordonner l’événement ? Pourquoi 2e Labo ou n’importe qui d’autre doit-il attendre que quelqu’un le sollicite pour faire quelque chose ? Parce qu’il faut y être autorisé par l’Etat ? Je ne peux pas analyser ce type de réaction autrement que comme un besoin d’autorité qui me semble particulièrement rétrograde.

          En fait, je vais vous dire comment se déroulera l’open access week l’année prochaine : il n’y aura pas de coordination, tout simplement. Les acteurs qui voudront organiseront quelque chose chacun chez soi et nous iront tous inscrire nos événements sur la page web ad hoc. Et ce sera sans doute aussi bien comme ça.

        • Pierre Mounier dit :

          Non. Il ne s’agit pas de cela. Que s’associer à MSW ait été une erreur, je le reconnais bien volontiers et je suis prêt à en assumer ma part de responsabilité s’il le faut, ce n’est pas le problème. Ce que je critique, c’est l’autre partie de la discussion, l’idée selon laquelle ce sont nécessairement des institutions publiques et même, l’ »Etat » qui se trouve invoqué explicitement dans votre commentaire, qui doivent « organiser » l’Open Access Week. Je trouve cette idée extrêmement contestable pour de très nombreuses raisons. D’abord parce qu’il ne vous aura pas échappé qu’il n’est pas simple de connaître la doctrine actuelle de l’Etat sur l’Open Access. Ensuite parce que les institutions elles-mêmes ne sont pas complètement monolithiques sur ce sujet. Participer à est une chose, organiser et porter en est une autre. Après avoir flingué les gens qui ont essayé de faire quelque chose plutôt que rien, ce qui est toujours plaisant, on pourrait peut-être se demander pourquoi il n’y a pas d’institution qui ait été en position d’ »organiser l’open access week » depuis non pas deux mais six ans en France.

          Dès lors, je suis un peu étonné de voir des acteurs non-institutionnels rester en état de sidération et attendre que l’ »Etat » fasse quelque chose. C’est une conception très datée des relations entre acteurs publics et société civile basée sur l’Etat planificateur et organisateur. La réalité d’aujourd’hui est toute autre : il y a un champ (plutôt qu’une communauté vu l’état de relations qui le traverse) de la communication scientifique avec tout un tas d’acteurs, certains privés à but lucratif, d’autres associatifs, d’autres encore publics. TOUS ces acteurs, et pas seulement les acteurs publics, partagent une responsabilité sur ce qui se passe dans ce champ. TOUS partagent la responsabilité d’organiser ou de ne pas organiser l’open access week en France, y compris ceux qui n’ont rien fait et qui viennent maintenant tirer sur ceux qui se sont mouillés pour qu’il y ait quelque chose. Elifsu aime bien citer les tweets des autres, alors pour une fois, je vais lui retourner le compliment. Quand elle écrit : « enfin, je l’aurais organisé personnellement si tu me l’avais demandé 🙂 ou si j’avais levé 1.5 million de fond 🙂 »

          je tombe de ma chaise. Depuis quand y a-t-il un système d’autorisation pour coordonner l’événement ? Pourquoi 2e Labo ou n’importe qui d’autre doit-il attendre que quelqu’un le sollicite pour faire quelque chose ? Parce qu’il faut y être autorisé par l’Etat ? Je ne peux pas analyser ce type de réaction autrement que comme un besoin d’autorité qui me semble particulièrement rétrograde.

          En fait, je vais vous dire comment se déroulera l’open access week l’année prochaine : il n’y aura pas de coordination, tout simplement. Les acteurs qui voudront organiseront quelque chose chacun chez soi et nous iront tous inscrire nos événements sur la page web ad hoc. Et ce sera sans doute aussi bien comme ça.

  6. elifsu dit :

    Cédric et Antoine : ce précédent commentaire vous est destiné : je vous laisse expliquer que nous n’avons jamais évoqué/espéré/souhaité un retour à des pratiques top-down (nos actions à chacun et nos écrits le prouvent s’il était nécessaire) ;
    qu’on attend des institutions publiques (et non pas de l’État) qu’elles choisissent correctement leurs partenaires (par un appel à projet, par ex.) ;
    que quand elles sont partenaires d’un événement, elles jettent un œil au contenu éditorial et à la façon dont les choses se passent ;
    qu’elles se renseignent sur leurs partenaires privés avant de prêter leur légitimité (la « sortie de route » ne s’est pas faite « entre temps ») ;
    que nous (les critiques, ici, et dans les autres articles sur le sujet, notamment Tim et Tom) ne sommes pas du tout du genre à préférer « ’organisation à la coordination, l’institutionnel au non-institutionnel, la leçon à la polyphonie » (nos actions, notamment associatives le prouvent, encore une fois) ;
    que politiquement il est toujours essentiel de se demander à qui/quels intérêts servent les actions que nous menons/soutenons (j’y crois pas qu’il faut le rappeler),
    etc.

    Merci en tout cas de vos commentaires : ils étaient apparemment nécessaires pour qu’au moins un fait soit reconnu : l’OAW française 2013 a servi des intérêts tout autres que l’intérêt commun représenté par l’open access.

  7. elifsu dit :

    Trackback à la main : « Le libre accès en France. L’éthique, les promoteurs et l’ouverture de la connaissance » chez @MaliciaRogue https://medium.com/p/1cf64849cbfd

  8. celyagd dit :

    Chere Elifsu

    Je me suis questionnée en effet sur ta phrase “try to understand the world make it better”( profil Twitter). Rendre le monde meilleur certes mais avec quels moyens?

    Je trouve que le poste de Stéphane Pouyllau a permis d’initier des échanges intelligents et constructifs. Les autres points de vue et articles qui ont été écrit depuis le 31 octobre également. Ta prise de parole sur twitter avec #mswgate en tant que lanceur d’alertes comme tu as pu le dire, a permis certes de faire réagir. Ensuite je me demande toujours si de telles invectives sur twitter ( je reprends le propos d’Antoine Blanchard) sont nécessaires. Entre perversion, perfidie, complot, critique et sadisme, les propos échangés (par tous) sur twitter « houleux » comme le dit Rayna, me paraissent parfois exagérés et inutiles.
    Des propos en tout cas très intéressant ressortent des articles et commentaires de ton post. Merci à Rayna et Lionel Maurel pour leur article que je découvre ce matin. Et j’essaierai de lire les articles et commentaires qui m’ont échappés plus tard)
    Ce qui me semble nécessaire désormais c’est un temps de rencontre avec les différents acteurs pour remettre à plat ces échanges avec différents médiateurs ( je suis sure que nous avons de tres bons mediateurs pour cela). En tout cas, j’en ressentirai pour ma part le besoin.

    Ps :
    Elifsu je reste toujours à ta disposition pour discuter et pas seulement sur twitter. Comme Pierre Mounier je pense que c’est aussi le meilleur moyen pour multiplier les incompréhensions.

    Bonne journée

    • elifsu dit :

      Merci pour ce commentaire extrêmement pertinent et original, il permet de mieux situer et comprendre les enjeux.

    • Fanny dit :

      D’ailleurs vous êtes anciennement community manager de MSW non Celya?
      Il serait intéressant que vous répondiez à l’article de Malicia Rogue (https://medium.com/i-m-h-o/1cf64849cbfd)

      Par contre, je ne comprends pas bien d’où sortent ces médiateurs dans l’histoire, il faut réconcilier qui? L’open access a besoin d’une réconciliation pour avancer?
      Non l’OA a besoin de diversité, d’engagement et de transparence.

      Bien à vous,

  9. […] Acte 1. Avant que n'éclate le #MSWgate L'Open Access Week, ou semaine du libre accès, c'est, selon le site OpenAccessWeek.org "A global event, now in its 6th year, promoting Open Access as a new no…  […]

  10. elifsu dit :

    Le débat sur l’open access lancé par Stéphane Pouyllau continue chez @Calimaq https://scinfolex.com/2013/11/04/un-open-access-sans-licence-libre-a-t-il-un-sens/

  11. […] également le site d’Elifsu Sabuncu pour comprendre les éléments de controverses. […]

  12. […] Et pourtant, ce genre de service pourrait créer de véritables valeurs ajoutées pour le chercheur et son institution. A l’heure du Big Data, de l’e-science et des Digital Humanities, on pourrait en attendre des fonctionnalités plus développées que de simples métries ou des suggestions à la Amazon, et, quitte à utiliser nos données ou des données en open access, pourquoi ne pas envisager, comme certains le font ici, là ou encore là, de les voir proposer des modèles payants (selon le principe du freemium) pour le chercheur (gestion de l’identité numérique, outils de visualisation, suggestions plus poussées via le text-mining, achat de documents sous droits voire aide au recrutement) ou les institutions (conseil et formation, collections institutionnelles, outils analytiques poussés, lien vers les ressources de l’institution via OpenURL…). Car les institutions aussi peuvent profiter de ces réseaux – l’IHA (Institut historique allemand), par exemple, dispose  de comptes sur Academia pour valoriser ses différentes collections numériques. À condition cependant que ces plateformes et les institutions publiques partagent véritablement les mêmes politiques et les mêmes intérêts pour le bénéfice de tous, et non celui des seuls investisseurs… […]

  13. @spouyllau dit :

    @enroweb j’espère que les auteurs du livre ont lu le billet de @squintar > https://t.co/jKH17RBCP6

  14. La France a-t-elle eu l’Open Access Week qu’elle mérite ? #OAW #OAW13 https://t.co/jtFSLGrB7L

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