Je voulais lancer un débat sur cet article de François Dubet, « sociologue, professeur à Bordeaux-II et directeur d’études à l’EHESS, auteur de nombreux ouvrages notamment sur l’école » dans Facebook, mais les gens ont trouvé que FB ne laissait pas assez de place. Anne m’a rappelé que j’avais un blog. En effet.
Alors c’est parti : vous pensez quoi de cet article ?
80 000 postes ont été supprimés par le gouvernement depuis 2007 dans l’EN. Au final il faut réorganiser l’EN. Certains prof doivent réactualiser les cours régulièrement, faire de nouveaux contrôles, etc… Et d’autre doivent moins souvent actualiser les cours. Il y a une disparité deja.
Ensuite d’apres un décret, les profs travaillent 50 euros par semaines.
Il faut tout refonder, tout cela, ainsi que les rythmes scolaires.
Mais des postes en plus, c’est un début pour désengorger les classes.
Bon j’assume alors voici mon point de vue envoyé par MP à Elifsu sur Facebook.
Globalement je suis assez d’accord sur la vision de l’école et sur le fait qu’il ne suffira pas de rajouter les postes supprimés depuis des années pour résoudre tous les problèmes. Pour moi il y a plusieurs choses à voir (dans un monde idéal tout ça tout ça).
– Le nombre de prof qui diminue, c’est indéniablement un facteur aggravant mais il y en a d’autres
– la formation des profs, il parle des IUFMs et a raison mais au moins il n’y avait pas de profs qu’on lâche 18h par semaine sans avoir eu aucune formation ni accompagnement (digne de ce nom) dans une classe de collège ZEP. De quoi en dégouter quelques uns.
– le recrutement des profs (et même des chefs d’établissements): même topo comment on sacrifie des profs qui étaient motivés au départ en les envoyant au casse-pipe dans des collèges difficiles de ZEP où les élèves bénéficieraient bien plus de profs expérimentés qui auraient choisi d’être en zones difficiles (une question de valorisation aussi de ces profs là). Pour moi on dit que les bons profs sont dans les lycées de prestige mais c’est facile d’y être un bon prof. Le 93 est le département où il y a le plus de stagiaires en France, si c’est pas de l’abandon ça…
– Enfin et surtout, et ça se fera pas en 2 jours, il en parle aussi dans l’article changer cette société d’élitiste de compétition de m****. Arrêter ces programmes cloisonnés qui ne laissent place ni à la créativité ni aux talents (des profs comme des élèves d’ailleurs), qui favorisent ceux qui rentrent dans le moule ou du moins qui savent faire semblant d’y être pour réussir.
Voilà, je sais pas si ça t’aide mais c’est mon point de vue de quelqu’un qui bosse avec des profs dans le neuf-trois, des profs qui font beaucoup d’efforts pour accompagner leurs élèves malgré les difficultés sociales et structurelles de l’éducation nationale.
Oulah en me relisant je m’aperçois que c’était brut de décoffrage!
meuh non, c’est parfait 🙂
Tu remarqueras que j’ai plus lâché ce que ça m’inspirait (du fait de mon travail sur le terrain) que fait une critique de l’article, jeu auquel je ne suis pas très douée.
Il faut réorganiser l’ensemble de l’éducation nationale…
refaire l’école, l’adapter à nos nouveaux élèves, à un monde qui change.
Et faire sortir de formation des profs dont le maitre mot sera « pédagogie », et « transmission de la curiosité et de la capacité à pousser un raisonnement par soi-même » aux élèves.
On a du chemin à faire…
Comme tout le monde, quand on me dit « rajouter 60 000 postes et ne rien changer à la recette, ça ne résoudra pas les problèmes de l’école », je ne peux qu’adhérer. Comme tout le monde aussi, je pense que résoudre les problèmes de l’école coûterait au moins autant que les 60 000 postes et demanderait de très gros efforts, pas seulement des porte-monnaie mais aussi des cerveaux.
Ce qui me frappe toujours, dans les articles qui déplorent l’autoreproduction des élites, c’est que le concept d’élite n’est jamais remis en jeu. En particulier, l’idée très française qu’à 16 ans on sait déjà qui est dans l’élite et qui n’y est pas, et pire encore le caractère définitif de ce tri.
Je regrette aussi qu’on n’y parle jamais d’orientation. Et que même si les profs faisaient de super progrès en pédagogie, si tous les élèves de troisième sortaient du collège capables de s’exprimer en plusieurs langues, de faire des expériences et des maths … s’ils n’ont rien appris du monde professionnel et s’ils n’ont pas été éduqués à faire des choix, les enfants de femme de ménage continueront à devenir femme de ménage et les enfants d’ingénieur ingénieur (je caricature, mais pas tant que ça). Or la réforme en cours du service public de l’orientation est juste indigente et personne ne s’en émeut.
Sinon, du côté de la formation des profs, c’est bien joli de dire qu’on peut économiser des recrutements si l’argent sert à former les profs existants. Sauf qu’il faut comprendre que l’Éducation Nationale embauche, même quand on ne remplace pas les profs. Simplement, elle embauche des contractuels. Qui ne bénéficient pas des formations pour profs. Ma mère est dans un lycée depuis 5 ans. Ils étaient 8 profs titulaires en maths à son arrivée, ils ne sont plus que 3 et elle est la plus ancienne. A cette rentrée, ils ont accueilli 3 nouveaux enseignants (pour les seules maths). Aucun d’entre eux n’est passé par le master éducation, ils sont arrivés via la procédure d’urgence de Pôle Emploi pour combler les vides et n’ont pas été formés, ou alors une journée. Et il n’y a plus assez d’anciens pour les former sur le tas.
Entendant ça, je me suis dit qu’il y avait quand même un geste à faire du côté du recrutement, même si ça ne suffit pas … Après, je ne sais pas s’il faut absolument embaucher des fonctionnaires, mais au moins clarifier les procédures pour les nouvelles embauches, garantir aux nouveaux embauchés la stabilité nécessaire à leur activité pédagogique et l’accès à une formation initiale et continue à l’enseignement.
J’ajoute que je suis 100% d’accord pour poser des questions de fond sur l’école plutôt que des questions d’argent ou de méthode. Je ne rêve que de voir disparaître l’idéologie du tri !
L’article de Dubet est assez moyen. Pour le dire vite, en faisant semblant de prendre un point de vue de sociologue de l’éducation, il oublie sa sociologie politique.
Est-ce que 60.000 postes en plus vont transformer radicalement l’Education Nationale. Il est évident que non, ne serait-ce car, comme l’a rappelé Looping, on reviendrait à peine à la situation de 2007. Toutefois, l’argumentation de Dubet est biaisée, notamment par sa volonté de montrer qu’une amélioration quantitative est insuffisante. Ces 60.000 postes sont nécessaires pour au moins deux raisons. La première pédagogique : si l’on pouvoir adopter des pédagogies adaptées à chaque élève, il faut avoir un nombre relativement réduit d’élèves, ce qui nécessite plus de professeurs. De même, si l’on veut développer les modules en demi-groupe, il faut aussi un plus grand nombre de professeurs. Si le nombre de profs ne fait pas tout, ça reste la base sur laquelle on peut ou non construire une école différente. Par ailleurs, la hausse démographique (en 2010, il y a près de 75.000 naissances de plus qu’en 1995 et 25.000 de plus qu’en 2005) suppose d’embaucher plus de profs, ne serait-ce que pour conserver un ratio élèves/profs stable.
Une raison politique : on ne fera pas de grande réforme de l’EN, sans l’ensemble du personnel éducatif et sans de réels équipes pédagogiques soudées. L’annonce de ces 60.000 sert ainsi une fonction symbolique de revalorisation de l’EN et de son personnel (i.e. l’école est notre priorité, nous nous donnons les moyens de faire changer les choses) et une fonction de mobilisation politique, en renversant la logique actuelle de précarisation des équipes par un recours massif à des vacataires non-formés, sous-payés et précaires.
Mais ceci ne serait pas bien grave si Dubet faisait de réels proposition pour améliorer l’EN. Or, il ne fait que répéter des choses que l’on sait depuis bien longtemps (sur l’école reproductive les travaux de Bourdieu-Passeron datent de la fin des années 1960). Du coup, à la fin de son texte, on a l’impression qu’en fait la programme du PS sur l’éducation est mauvais, ce qui est d’autant plus problématique que c’est précisément l’aspect le plus attaqué par l’UMP.
S’il veut vraiment aider la gauche (Dubet a travaillé à de nombreuses reprises avec le PS), il devrait faire un texte en rappelant que le recrutement massif dans l’EN est une condition nécessaire pour réaliser une grande réforme de l’EN. Mais qu’elle n’est pas une condition suffisante, et là, il faut faire des propositions un peu plus développées que « le chantier de la formation professionnelle des enseignants »…
Ce commentaire résume bien mon ressenti flou face à cet article. Attaquer frontalement la promesse (un peu facile, certes, donc super critiquable) des 60 000 postes, semble être chez cet auteur un moyen facile de taper sur le PS…et de faire ainsi le jeu de l’UMP…ce qui me chagrine un peu quand même. Du coup j’ai du mal à être globalement d’accord avec lui (alors que tout ce qu’il dit parait raisonnable, de bon sens, élémentaire) : je n’aime pas d’où il parle.
Le pire, c’est que fondamentalement, il parle du PS. C’est l’héritier de Tourraine, qui était l’un des sociologues officiels du pouvoir à l’époque de Mitterand. Et, lui a pas mal influencé le PS sur la politique éducative, c’est notamment un ardent défenseur du collège unique. Par ailleurs, il publie beaucoup à la République des Idées, qui défend des positions assez proches du PS.
Je vous trouve assez dur avec le Dubet ! Bon, son texte est assez lapidaire, mais je crois qu’il ne fait que reprendre un constat qu’il a longuement documenté, et à propos duquel il a beaucoup débattu : il y a un refus français de réfléchir à la forme de notre système scolaire, c’est-à-dire au mode de recrutement des enseignants, à la gouvernance de l’institution, au statut des établissements, ou encore au type d’individus que nous souhaitons produire (je me permets de vous renvoyer là-dessus à https://www.scienceshumaines.com/descolariser-la-societe_fr_23000.html )
Donc je crois qu’il tente de tordre le bâton dans l’autre sens. Il ne dit pas que les 60000 postes sont inutiles, mais qu’il faut se demander d’abord pour quoi faire ? Sa conviction semble être effectivement qu’il faut tout repenser, et c’est ce qu’enseignent les comparaisons internationales qu’il a menés récemment avec ses collègues ( https://www.scienceshumaines.com/l-ecole-peut-elle-transformer-la-societe_fr_26069.html )
Analyses parfaitement discutables, évidemment, mais c’est un peu manichéen de lui reprocher de faire le jeu de l’UMP juste parce qu’il pense qu’il faudrait réfléchir à notre projet éducatif autrement qu’en termes quantitatifs ;=).
Quant aux propositions concrètes, il en a faites très récemment, dans une contribution publiée par Terra Nova, un think tank proche… du PS : https://www.tnova.fr/content/contribution-n-14-ecole-2012-faire-r-ussir-tous-les-l-ves
La ficelle dialectique est assez visible :
« L’école allait déjà mal avant toutes les suppressions de postes du quinquennat, rétablir 60000 postes ne la guérira donc pas, c’est de la démagogie, donc ça ne sert à rien. CQFD ». Certes.
Personne n’oserait sans doute affirmer qu’il suffit de rétablir ces postes pour que tout rentre dans l’ordre dans le meilleur des mondes.
Mais quiconque a des enfants scolarisés constate au quotidien l’impact déplorable de la réduction des effectifs de l’EN (plannings qui ne laissent plus le temps de manger aux enfants, suppression d’options année après année, enseignants absents non remplacés…).
Et la comparaison du taux d’encadrement des élèves avec ce qui se pratique dans les pays voisins ne dit pas autre chose : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/02/14/01016-20110214ARTFIG00745-les-eleves-francais-ont-moins-de-profs-que-leurs-voisins.php
Cela dit l’auteur a le mérite de souligner qu’il ne faut pas que le programme de FH se contente de cet effet d’annonce, et que ça ne peut être qu’une mesure (emblématique) d’un ensemble concernant l’éducation, sauf à se faire démonter vite fait par la droite (et pas que, visiblement).
Si le besoin de renfort de postes parait donc bien légitime et censé, il reste néanmoins à le rendre possible (cf à ce sujet l’analyse intéressante https://lemonde-educ.blog.lemonde.fr/2011/10/27/quand-les-60-000-postes-du-candidat-hollande-deviennent-un-casse-tete/), et à l’articuler dans un ensemble de propositions.
Et financer la réalisation de films éducatifs de qualité qui n’ont pas pour but de remplacer les profs mais de sauver des heures et des heures de cours qu on pourrait consacrer à du travail en petits groupes, à effectif constant mais mieux payés et mieux formés? Non à l’école de Ferry mais oui à sa méthode? Rien n’a changé depuis dans la diffusion de l’information? La façon dont l’info diffuse à l’école vs le reste du monde, ça ne vous choque pas?
Bonjour,
Je me permets de vous contacter car nous venons de lancer un débat qui pourrait sûrement vous intéresser, et je vous convie donc à y prendre part afin d’exprimer votre point de vue et faire progresser le débat :
60 000 postes dans l’éducation, faut-il en attribuer une part au privé ? (https://www.newsring.fr/societe/923-60-000-postes-dans-leducation-faut-il-en-attribuer-une-part-au-prive)
Quand François Hollande promettait, en septembre 2011, 60 000 postes de professeurs supplémentaires pour remplacer les départs des cinq dernières années, il n’avait pas précisé leur destination. Aujourd’hui, les directeurs d’école privées espèrent bien avoir leur part du gâteau.
Pour participer, il suffit de se connecter sur le site (à l’aide de Facebook, Google+ ou LinkedIn) et de cliquer sur “contribuer au débat”.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me recontacter.
Bien à vous,
—
Jérémy
Community Manager Stagiaire à Newsring.fr
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