La Turquie qui me manque #homesick

Article dans la série La France que j’aime et La France que je n’aime pas. Le pendant, la Turquie qui ne me manque pas.

  • Toutes les bonnes choses à manger. Surtout à Istanbul. Oui, ça mériterait un article à part, voire plusieurs.
  • Le fait que les gens soient politisés, beaucoup plus qu’en France. A milieu à peu près égal (= ceux que j’ai fréquenté). Plus proche de l’Amérique Latine, d’après des discussions avec des Mexicains et Argentins.
  • Les gens qui feraient tout pour vous aider. Le sens du service, de l’accueil, du partage (de ce qu’on a à manger, par exemple, dans un bus, par exemple, avec ses voisins).
  • Les phrases du type « kolay gelsin » (littéralement « que cela te/vous soit facile »), « geçmis olsun » (« que cela passe vite »), « eline saglik » (« santé à tes mains »), etc. Du coup c’est très difficile pour moi de passer à côté de quelqu’un qui travaille (dans la rue, par exemple) sans lui dire « bon courage », de voir un ami malade et de ne pas lui dire « bon rétablissement » (mon dieu que c’est lourd), de manger un plat sans féliciter le cuisinier, etc.
  • La langue hyper imagée avec plein d’expression rigolotes (que je connais très très mal en fait). Un peu comme le judéo-espagnol.
  • Les chats dans les rues à Istanbul (je connais mal le reste de la Turquie). Les petites cabanes en carton et les bols de croquettes et d’eau déposées aux coins des rues de Cihangir…Jamais vu autant de chats en Europe, sauf en France.
  • L’humour très particulier, que je ne saurais décrire, une forme de naïveté, d’absurde et d’autodérision…Promis je vous propose des exemples dès que j’en trouve ! Türk mantigi, türk esprisi, türk kafasi…
  • Les dolmuş, qu’on traduit par « taxis collectifs » en français. Je me dis que les shérout israéliens datent de l’époque ottomane, mais je n’en sais rien. Il y a des itinéraires pré-établis. On peut descendre n’importe où sur le chemin et on paye en fonction de la distance. Quand j’étais petite, à Istanbul, c’étaient des vieilles FORD et plein d’autres sublimes voitures. Ils ont profité que j’avais le dos tourné dans les années 90 pour les virer toutes, du jour au lendemain. J’en veux personnellement à chaque stambouliote de ne pas s’être révolté contre ça. Et de ne pas m’en avoir mise une de côté.

https://www.peterloud.co.uk/photos/Turkey/Turkey_4.html

  • Tout a une solution. On se débrouille, on se démerde, on trouve une solution. On est moins fataliste qu’en Europe. Parce que le droit est moins bien fixé, peut-être. Reste une part de flou, de négociation possible. Sauf avec l’État. Enfin, sauf si vous avez beaucoup de pouvoir, et/ou du fric. Donc ce point a du bon et du mauvais, en fait. Demokrasilerde çözüm tükenmez.
  • La possibilité de manger et de boire à toute heure du jour et de la nuit [à Istanbul]. No comment. Mérite un article à part. Explique beaucoup de mes exaspérations parisiennes à crever la dalle à 14h ou à 22h, quand on refuse de vous servir.
  • On répare encore tout. L’avantage de faire partie du Tiers-Monde, et/ou d’avoir une main d’œuvre pas cher, d’être un pays pauvre et membre de la société de consommation depuis moins longtemps que l’Europe, c’est que tout se répare. Une lampe, un parapluie, un sac dont la fermeture Eclair est cassée, une valise, une chaise, un étendoir à linge, les chaussures, l’électroménager même petit, bref tout ce que vous auriez jeté ici. Explique mon allergie à l’obsolescence programmée ou non. Bon, mon grand-père né en 1898 a aussi joué là-dedans.
  • La beauté et le bon goût des fruits et légumes. Bon, j’ai quitté Istanbul en 1994, et apparemment, la situation est moins idyllique que dans mes souvenirs. La Turquie réalise chaque jour son rêve de rattraper l’Europe, et l’imite dans ses pires conneries, au nom du progrès et de la modernité. Les pesticides, c’est connu que les pays du Tiers-Monde font plutôt encore plus n’importe quoi que les pays plus riches, mais je ne sais pas comment, les tomates avaient du gout, les fraises aussi, les pêches, les abricots, les courgettes et les poivrons fins, etc. Et déjà quand j’étais petite, mère et grand-mère râlaient sur telle variété qui avaient disparus, telle autre qui n’avait plus le même parfum…
  • Istanbul, c’est le poisson frais. Le poisson qui a une tête et une queue et s’installe entier, de bout en bout, dans votre assiette. Miam ! Incomparable. Grillés. Sans rien d’autre. Pas de riz, pas de sauce. Certes plus cher que tout le reste, mais beaucoup plus abordable (proportionnellement) qu’à Paris (à vérifier…). Pas des tranches fadasses de poissons congelés arrivés d’Atlantique…

  • Le kaymak. Là, c’est pas un article à part que ça mérite, c’est un bouquin, que dis-je, un cap, une péninsule, une encylopédie.

En gros, pour faire vite, c’est de la crème (pas fraîche, mais le truc qui monte au dessus du lait quand on le fait cuire, je crois), essentiellement fait de lait de bufflonne (sujet à débat : tout le monde met-il du lait de bufflonne, etc.). Se met sur les baklava, notamment, pour les alléger (si, si). Et mon dessert préféré, le « meyhane tatlisi » : une banane coupée en rondelles, du kaymak, des noix pilées, et du miel (de pin). Léger, sain. Le kaymak se trouve plus difficile l’été, et est le seul aliment turc qu’on ne trouve pas en Europe. Ça voyage très très mal, même en avion, faut le manger le jour-même. Du coup, j’ai l’intention de monter un élevage de bufflonnes pour en produire localement. Ou retourner m’installer en Turquie, parce qu’il y a des limites au malheur alimentaire.

  • Les gens s’y connaissent beaucoup plus en goût de l’eau. Faute d’être de bons producteurs de vin ?
  • Faire ensemble le helva à la mort d’une personne aimée. On se relaye à la cuisine pour donner un coup de cuillère à la cuisson de ce plat long et fastidieux et délicieux. Ici, ils ont écrit « halva », ça sonne pas très bien en turc, on dit plutôt « helva » (euphonie). Et ils parlent de helva de farine, moi je ne les ai vus que de semoule, dans ce contexte de mort. Je trouve le rituel très beau, et le résultat très bon. Du coup, il ne faut pas attendre les décès pour le faire.
  • Les enterrements, rassemblements sociaux et mondains, inratables sauf excuse costaud. En France, j’ai connu des gens ne pas aller aux enterrements des parents de leurs amis, pour ne pas gêner, par discrétion, ou pour des causes qui me dépassent totalement. Une sorte de pudeur sans doute qui me met tout à fait mal à l’aise.
  • Trouver des taxis facilement et ne pas payer la peau des fesses [Istanbul]. OK, sauf quand il pleut ou qu’il neige. Et sauf les 2 heures autour de la tombée de la nuit pendant le mois du Ramadan (les gens rentrent chez eux pour manger, et les rues sont désertes). OK, du coup, les taxis sont tout pourris, pas du tout les BMW de Paris. Et ils conduisent mal. Et ils ne connaissent pas les adresses. Mais au moins vous rentrez chez vous facilement de n’importe où à n’importe quelle heure (essayez de trouver un taxi à Bastille ou Pigalle entre 2h et 4h du matin).
  • La vie nocturne à Istanbul. Ah, ça aussi, ça mériterait un article/livre/guide. D’ailleurs il y en a plein depuis que je suis partie. Tous les guides un peu branchés vous conseillent d’aller faire la fête à Istanbul. Vu de Paris, c’est sûr que c’est un peu la folie. Et encore, c’était déjà beaucoup plus la folie que Paris dès 1992-1994, et depuis, les possibilités, le nombre de bars/restos semble s’être multiplié par 10 ou plus (d’après ce que j’aperçois quand j’y passe + d’après ce que je lis dans les guides type TIME OUT Istanbul). Ce qui explique largement pourquoi je me fais chier depuis 18 ans à Paris et pourquoi je râle autant au sujet de la vie nocturne inexistante ici. Ou alors on m’invite jamais nulle part. En tout cas je n’ai pas eu ce problème ni à Berlin ni à NYC que j’adore notamment pour ça. Y compris seule.
  • L’épilation au caramel. En fait, depuis mon départ, la Turquie n’a pas arrêté de se moderniser, et a adopté avec beaucoup de fierté la cire à l’européenne, ce machin qu’il faut étaler en 10 fois sur une demi-jambe pour vous épiler. « Avant », on faisait ça à la sauvage, assise sur une chaise, chez le coiffeur (dans une pièce à part, hein) (où on fait aussi la manucure et la pédicure). Pas d »esthéticienne », pas besoin de se coucher. Ça durait 10 min. En 4 coups de bandes, c’était fait. Après vous avoir étalé, avec un couteau (du type couteau de cantine) ou une cuillère (du type cuillère à soupe de cantine), un caramel qui chauffe dans une casserole sur un butagaz (si, si, je vous jure, c’est folklorique et pas hyper sécuritaire, c’est vrai), la dame vous met des bandes en tissus, et hop, elle tire. Maintenant, elles sont passées à la cire (« sir agda »), elles le vendent plus cher (car c’est plus cher à l’achat), mais elles sont si fières. Si elles savaient qu’en France, le nec plus ultra, hyper plus cher, c’est la cire orientale au sucre ? Le monde à l’envers + nous n’avons jamais été modernes, j’ai envie de dire (hors sujet). (dispositif Socio Technique à étudier un jour)
  • Les gens qui se lavent les mains tout le temps. Notamment après être allé aux WC. Et en arrivant dans une maison (vous arrivez de l’extérieur, la rue, c’est sale). Peut-être lié aux traditions musulmanes de lavage très consciencieux pour ne pas dire maniaque avant la prière ? Peut-être une explication aux non-épidémies de gastros ? (bon, ce dernier point devra être vérifié : si ça se trouve il y a autant de gastros qu’en France, mais que juste on en parle pas, ni entre collègues, ni à une soirée mondaine, ni à la télé).

(liste en perpétuelle évolution)

3 réflexions sur “La Turquie qui me manque #homesick

  1. […] dans la série La France que j’aime et La France que je n’aime pas. Le pendant, la Turquie qui me manque, est […]

  2. […] dans la série La France que je n’aime pas, la Turquie qui me manque, la Turquie qui ne me manque […]

  3. Ah ah toute cette liste m’évoque pas mal ce que les personnes de ma famille (originaire du Liban) me disent souvent… Notamment sur les fruits et la nourriture en général.
    Les taxis ça m’a rappelé l’expérience du Maroc et des taxis fous ! — Je me rappelle m’être dit qu’on était trop rangés en France, tout est trop lisse, c’est moins rigolo ^^
    L’épilation au caramel : muarf. Ici ma grand-mère nous la prépare encore. Et ça fait super super mal.
    Sur le poisson frais : ça me rappelle une amie tahitienne, qui, goûtant mon taboulé libanais, me dit : « ça me rappelle le poisson cru, mais sans poisson » 🙂 Bref, plat très chargé en symbolique et représentation à Tahiti qui croise un autre du Liban… C’était joli.
    En tout cas, ton article donne envie d’aller à Istanbul ! …

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